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Interview exclusive

Duel RJ-JMB

Grand Prix Etats-Unis 1989 250cc

Sur la lancée victorieuse de Maracay, Jean-Mi n’a donc pas loupé ce rendez-vous qui lui tenait tant à cœur : meilleur temps lors des essais chronos (avec 2 secondes d’avances sur Johansson, tout comme au Venezuela). En première manche, on a longtemps cru qu’il allait enfin mettre un terme à cette hégémonie US qui s’abat sur Unadilla depuis 1982 (il faut en effet remonter jusque là pour trouver le dernier Européen, en l’occurrence Van Der Ven, vainqueur d’une manche).

Pour ne rien vous cacher, on en rêvait même déjà de cette victoire. Imaginez le tableau : JMB terminant devant Johnson, sur un terrain entièrement acquis à la cause du King Hannah. Impossible d’imaginer de plus belle victoire…Mais Jean-Mi a coincé et ce diable de RJ ne l’a pas loupé : « c’est Postema qui m’a littéralement cassé le rythme. Sans cela, j’étais tout près de creuser définitivement le trou avec Johnson. A cet instant (peu avant la mi-course) je me suis brusquement effondré d’un coup Bonjour le coup de pompe, j’en pouvais carrément plus, comme cloué sur place. Mal aux bras, au dos…la complète, quoi ! » Mais d’esquisser un sourire en lançant à la ronde : « les autres n’ont pourtant rien compris. Ricky et moi n’étions pas dans la même course, hein ? »



RJ va passer JMB


Et JMB de réussir dans la foulée son second départ pour boucler le premier tour dans le sillage de VDB et de RJ. Joie d’autant plus grande dans le camp français, qu’imitant bientôt l’officiel Honda-US, Jean-Mi doublait à son tour le Hollandais peu avant la 15è minute. Et si Johnson payait maintenant ses efforts de tout à l’heure ? Encore eût-il fallu pour cela que le Manosque’s kid ne se mette pas immédiatement au tas, se faisant redoubler par VDB, puis par Tichenor. Cependant, reparti le couteau entre les dents à la poursuite du jeune officiel Suzuki (qui n’allait d’ailleurs pas tarder à chuter violemment), Jean-Mi marquait pourtant un nouveau temps d’arrêt, semblable à celui de tout à l’heure : « là j’ai su que c’était fini, que je ne reviendrais plus sur les deux hommes de tête. A partir de ce moment là , je n’ai plus insisté et c’est passablement détruit que j’ai terminé la manche… Enfin je suis quand même content de ma journée. Surtout de la manière dont j’ai roulé en première manche. En seconde, après avoir passé De Berk, j’ai voulu trop vite attaquer Ricky, voyant qu’il ne roulait pas super bien. Je suis alors tombé, de ma faute. Je réalise malgré tout une bonne opération au classement provisoire et c’est le principal ».

Déçu, cependant, de ne pas avoir encore terrassé, l’homme qu’il s’est toujours juré de battre un jour : Mister Ricky Johnson ? Et de partir d’un immense éclat de rire en me lançant en aparté : « il fait vraiment chier ce gros con ! » Venant de sa bouche, et avec l’interprétation toute sudiste de cette boutade, c’est assurément le plus beau compliment que JMB pouvait adresser à RJ. Aujourd’hui, le maître a encore terminé devant l’élève, mais à quand le revanche ?

Johnson est-il un surhomme ? Cette question peut vous paraître complètement déplacée, mais avouez qu’il y a quand même bien lieu de se la poser. Main droite dans le sac depuis Gainnesville (5 mars – luxation/entorse des os du carpe avec opération à la clef et pose de broches) l’usage qu’en fait Ricky depuis son come-back est tout bonnement IN-CROY-ABLE ! En effet, d’après Alain Bergès, le kiné des Bayle : « limité comme il est en flexion, d’où un handicap important pour la moto, il faut en vouloir à mort et être très, très bon pour rouler dans de telles conditions. Interdiction absolue, bien sûr de retomber dessus ».

Malgré cela Johnson gagne…Encore et toujours ! Les trois catégories (125, puis 250 et 500) à Mamooth Mountain pour sa véritable rentrée sur le devant de la scène. Puis dimanche dernier, il termine troisième du 250 Outdoor à Buchanan (derrière Stanton, mais à égalité avec Ward). Et aujourd’hui il signe un doublé imparable à Unadilla remportant ainsi son quatrième GP des USA d’affilée (un 500 puis trois 250).

Qu’ajouter de plus ? Dans ces cas-là, seul l’intéressé étant à même d’exprimer véritablement ce qu’il ressent, laissons lui la parole : « en première manche, je me suis d’abord appliqué à ne pas trop me laisser distancer par Bayle, sachant qu’il ne pourrait pas tenir son rythme infernal jusqu’au bout. Une fois l’orage passé, j’ai essayé de nouvelles trajectoires et je suis revenu vite sur lui avant de le passer. Ma main m’a un peu gêné sur la fin mais la douleur était encore supportable. Côté condition physique en général, je ne suis même pas fatigué grâce à l’énorme travail de fond que j’ai effectué lorsque j’étais encore plâtré. Mais que d’étapes parcourues en quatre semaines ! En effet lorsque j’ai repris la moto, j’étais tout juste capable de gagner la catégorie Vétérans sur le circuit de Carlsbad et voilà que je bats ici Jean-Michel Bayle, le pilote n°1 du mondial 250. Voilà qui donne tort à mes détracteurs – qui commençaient à faire de Stanton l’incontestable nouveau n°1 -, lesquels pensaient bien haut : oh, Ricky, c’était un pilote rapide mais ce temps est maintenant révolu…

Désolé, messieurs, je ne suis pas encore mort ! A 100% de ma forme, sur n’importe quelle piste du monde, je ne crains personne. Je suis le meilleur… »

Actuellement y a-t-il encore quelqu’un pour pouvoir oser prétendre le contraire ? Certainement pas nous…

Voici le résumé des courses :

La pole est signée JMB en 2’20’’123 devant Johansson (décidemment très véloce aux chronos) 2’22’’024, puis VDB 2’22’’769 et RJ 2’23’’021.



Peter Johansson deuxième de la pole


Superbe holeshot de JMB qui devance Johnson, Van de Berk et O’Mara. VDB disparaissant rapidement sur problème d’allumage, le tandem JMB-RJ fait le trou. O’Mara est seul troisième.

Gêné par des attardés, autant qu’asphyxié par son formidable début de course, Bayle cède le commandement à Johnson lors de la 24è minute de course. Viennent ensuite : O’Mara, Vehkonen, Johansson, Smith et Van Doorn.

La fin de course se déroule sans problème pour Ricky, qui l’emporte avec 23 secondes d’avance sur Jean-Mi. Vehkonen hérite finalement de la troisième place, O’Mara tombant en panne d’essence dans le dernier tour.

En deuxième manche, au tour de VDB de réussir la meilleure envolée, devant Johnson et Bayle. Durant trois tours, John, Ricky et Jean-Mi restent dans cet ordre. Johnson double alors De Berk, bientôt imité en cela par JMB, lequel se répand aussitôt et repart 4è, derrière RJ, le Hollandais et Tichenor.

A mi-course, JMB est revenu 3è, Tichenor ayant disparu sur chute. Dymond vient de doubler Vehkonen pour la quatrième place.



Pekka Vehkonen, troisième du GP reste au contact de JMB au général


Profitant d’une chute de Johnson, De Berk hérite momentanément du leadership à deux tours de la fin. Pas pour bien longtemps, VDB chutant à son tour devant le forcing de RJ. L’Américain gagne donc avec 11 secondes d’avance. Sur l’officiel Yamaha et 34 sur JMB, qui termine bien fatigué.

Voici le classement du Grand Prix :

Source et photo : moto revue n° 2904 P.Boulland