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Interview exclusive

Multidisciplines, 5 continents, 5 décennies

Pascal Haudiquert
  • Pascal en plein travail.*

  • Motocross History : Comment es-tu entré dans le monde de la moto ?
    Pascal Haudiquert (PH) : Habitant Gaillefontaine, j’ai vu naître le circuit de MX et comme tous les jeunes du village dès que l’on entendait les motos, on allait les voir au circuit. Passionné de photos, j’ai commencé à faire des clichés pour le fun. Didier Duflos, avec qui j’étais à l’école a commencé à rouler. Je lui faisais des photos et comme il formait le « club des quatre » avec Patrick et Richard Boniface ainsi que JJ.Bruno, j’ai lié assez vite et fait connaissance avec ce quatuor. Puis un jour, le père de Jean-Jacques Bruno, m'a demandé si je pouvais faire des photos de Jean-Jacques, et de fil en aiguille, je suis allé sur les terrains de la région (Brou, Blargies, Thomer...) les voir rouler et leur faire des photos.


  • Une des premières photos de Pascal, pour un concours dans les Cahiers du Cross et Tout Terrain.

  • As tu roulé en moto tout terrain ?
    PH : Non car je n'avais pas les moyens financiers quand j'étais jeune. Et quand je les ai eu, je n'avais plus le temps, entre mon travail et les weekends de course.


    Où et quand as-tu assisté à ta première course ?
    PH : Gaillefontaine dans les années 1970


    Où et quand as-tu pris tes premières photos ?
    PH : En 1978 je suis parti en Autriche pour le premier GP 125 de l'année avec Didier Duflos. C'est en voyant aucun journaliste français sur place, que j'ai envoyé des photos aux Cahiers du Cross et Tout Terrain. Comme cela leur a plu, ils m'ont demandé de continuer à leur envoyer d'autres photos.


  • Les Cahiers du Cross et Tout Terrain #17 de Mai 1978.

  • Comment t'es venu l'idée de devenir photographe-journaliste ?
    PH : Je n'ai jamais voulu en faire un métier, c'était plutôt un hobby et cela l'a toujours été, puisque j'ai toujours travaillé dans un autre monde (conducteur de travaux chez Quille, puis cadre à la SNCF).


    Es-tu plutôt photographe ou journaliste ?
    PH : A la base, c'est plus la photo qui m'intéresse (mais je ne me considère pas comme un BON photographe, je suis loin de faire des photos comme Stan Leroux ou Ray Archer), mais j'aime bien écrire. A l'école, j'étais toujours pas mauvais en rédaction-dissertation.


    Es-tu professionnel ?
    PH : Non, puisque cela n'a jamais été mon activité principale. Je n'ai jamais eu de carte de presse.


    Donc, quel est ton métier ?
    PH : J'ai travaillé pendant deux ans comme conducteur de travaux chez Quille (filiale de Bouygues en Normandie), puis pendant trente et un ans à la SNCF, essentiellement pour organiser des chantiers de travaux de réfection des voies ferrées.


    Avec quels media as-tu collaboré ?
    PH : Après avoir commencé avec Moto Journal en 1981, je suis resté chez Moto Journal-Moto Crampons jusqu'en 1991, puis je suis passé chez Larivière (Moto Revue, Moto Verte, MX Magazine). J'ai aussi longtemps travaillé pour l'Equipe (1990 à 2016), jusqu'à ce que leur désintérêt pour la moto me pousse à les quitter. J'ai aussi collaboré pour des media étrangers (notamment Motocross en Italie), des télés (Eurosport, Paris Première), des clubs (quasiment tous ceux qui ont organisé des GP de France depuis 1986).


  • A Arbis pour le compte de Moto Journal.

  • Chez Moto Journal.

  • Avec quelle revue as-tu eu le plus de plaisir à travailler ?
    PH : J'ai eu du plaisir avec toutes ! Les cahiers du Cross, cela m'a permis d'entrer dans le "métier" et d'y rencontrer des gens passionnants comme Serge Lapointe, et de me faire un peu connaître. Sans les Cahiers du Cross, je n'aurais sans doute jamais pu prendre la suite de Pat Boulland à Moto Journal, où j'ai eu le loisir de rencontrer Jacques Busillet, Pierre-Marie Poli, Stéphane Le Gouic, de participer à la naissance de Moto Crampons. en passant ensuite chez Larivière, j'ai rejoint le groupe de presse qui a toujours fait plus que tout le monde pour notre sport préféré !


  • Une photo en une et une rétro dans Moto Verte !

  • A Gaillefontaine avant une épreuve du Championnat de France.

  • J'imagine que tu as un exemplaire de chaque magazine pour lequel tu as travaillé ?
    PH : Non, pas du tout. Je n'ai que les Moto Crampons, MX Magazine et Moto Verte. Je n'ai aucun numéro des Cahiers du Cross, Moto Journal ou Moto Revue.


    Es-tu salarié ?
    PH : Non, je suis pigiste.


    Mis à part les revues, as-tu d'autres "clients" ?
    PH : Oui, c'est indispensable compte tenu des frais importants pour couvrir une saison (de l'ordre de 25 000 € de frais de voyage, tout est à ma charge). Je travaille pour Kawasaki Europe, Kawasaki KRT, Kawasaki Bud, Pichon, Vialle, MJC notamment. Je leur écris les communiqués de presse et souvent gère leurs réseaux sociaux.


  • Capture écran Facebook Team Rocket.

  • Combien de photos as-tu prises ?
    PH : Aucune idée ! Quand on bossait en argentique, je faisais entre 5 et 10 bobines (36 vues) avec plus de noir et blanc que de diapo pour des raisons économiques (je développais moi-même le noir et blanc). Depuis le numérique, c'est environ 1500 clichés par GP, mais on en jette pas mal quand même.


    As-tu un type de photos que tu aimes prendre ?
    PH : Pas spécialement, tout dépend du circuit, de la lumière, de l'attitude des pilotes.


  • Antonio Cairoli.

  • Jeremy Sewer dans ses oeuvres.

  • Un trio à fond.

  • Antonio Cairoli sur le podium.

  • Q uel est ton matériel actuel ?
    PH : Boitiers Canon 5D mark III, principalement le 2,8 de 300mm. comme objectif, j'utilise un zoom de 70/200 et un 28/70.


    Dans combien de pays t'es-tu rendu pour le motocross ?
    PH : Vite fait comme cela, plus de trente. L'Europe plus Brésil, Vénézuela, Argentine, Mexique, Etats-Unis, Afrique du Sud, Indonésie, Thaïlande, Qatar, Japon, Australie. Sur les 5 continents !


  • Du bon matériel pour cinq continents !

  • Sur quels circuits penses-tu avoir pris tes plus belles photos ?
    PH : Sevlievo, Talavera et Payerne. Ce sont des circuits naturels avec de beaux arrières plans de paysage (quand il n'y a pas les panneaux publicitaires).


  • Steven Frossard à Sevlievo.

  • Y a t-il un endroit où tu n'as pas bien pu exercer pendant ton week-end ?
    PH : Je dirais le Dakar, où tu es parqué dans le bivouac sans avoir la possibilité d'aller dans les spéciales voir les pilotes en action. Sinon en motocross, dans les années 1980, c'était fréquent que l'on ne puisse même pas obtenir une copie des résultats dans ce qu'ils appelaient alors "salle de presse", qui parfois n'était qu'une remorque de camion avec un table et trois chaises. C'est ce qui nous a conduit avec quelques collègues étrangers à fonder l'IMPA (International Motor Press Association) pour pouvoir discuter avec la FIM et disposer d'un minimum de facilités sur les GP.


  • Bien entouré par le team Pourcel en salle de presse.

  • Devant le media center.

  • Quel est ton top 3 des pays préférés ?
    PH : Argentine, Afrique du Sud, Suède.


  • Paysage d'Argentine.

  • Quel est ton top 3 des organisations ?
    PH : Les Grand Prix de France d'une manière générale et le Japon.


    Quel est ton top 3 des meilleurs souvenirs ?
    PH : La victoire de manche de JJ.Bruno à Thouars, le titre de Sébastien Tortelli en Grèce en 1998 (quelle finale !) et d'une façon générale tous les interviews pour le direct TV que je réalisais à l'arrivée des manches de GP quand je bossais pour Action Group/Dorna/Youthstream.


    Quel est ton top 3 des pires souvenirs ?
    PH : La perte du titre mondial de Jacky Vimond en Allemagne en 1985, la blessure de Pit Beirer en Bulgarie, un retour de l'Elite à Gaillac quand je me suis fait voler tout mon matériel photo.


    Sais-tu combien d'interviews as-tu réalisés ?
    PH : Aucune, mais vraiment aucune idée ! il y a les interviews papier (sans doute entre 150 et 200) et les videos pour mv.com (sans doute autant, si ce n'est plus).


    Quels sont ceux qui t'ont le plus plu ?
    PH : Parmi les plus récents, celui de Cairoli l'an passé (en Sardaigne en février, après l'interview j'étais convaincu que Tony allait faire une grande saison), d'Herlings (il n'a éludé aucune question, a fait des réponses très complètes et s'est montré très humble vis à vis de ses adversaires) et plus récemment celui de Lawrence.


  • Antonio Cairoli interviewé en 2005 : le premier titre !

  • Les moins ?
    PH : On oublie vite !


    Quels pilotes t'ont impressionné ?
    PH : Il y en a beaucoup, je vais en oublier mais je citerais Carlqvist, Tortelli, Pichon (des mecs qui se donnaient toujours à 100%), Malherbe, Everts, Vimond, Bayle (la classe et le style), mais aussi Ferrandis, Townley, Cairoli, Febvre.


  • Hakan Carlqvist.

  • Jacky Vimond.

  • Dylan Ferrandis.

  • As-tu des liens aussi forts avec les pilotes des années 2000-2010 que ceux des années 1980-1990 ?
    PH : Ils sont différents mais ils restent forts, y compris aujourd'hui. Les mentalités ont certes évolué, mais comme l'argent n'a pas tout pollué, on a encore une relation directe et facile avec les pilotes. Si tu veux parler à Cairoli, tu vas au camion KTM ou à son camper, en choisissant bien sur le moment, et tu es sûr qu'il te consacrera les dix minutes dont tu as besoin durant le week-end. Pas besoin de prendre rendez-vous trois mois à l'avance avec un voir plusieurs attachés de presse !


  • Antonio Cairoli accessible.

  • Avec quels pilotes étrangers t'es-tu le mieux entendu ?
    PH : Il y en a eu et il y en a encore beaucoup. Kinigadner, Beirer, Carlqvist, Malherbe, Geboers, Cairoli, Smets, Everts, Brylyakov, Jonass.


  • Hakan Carlqvist.

  • Stefan Everts.

  • Pauls Jonass.

  • Qu'est-ce qui te plait le plus : raconter les courses, interviewer, photographier, recueillir des infos ?
    PH : En fait tout me plait. Ce qui me plait le moins, c'est que sur un GP, on arrive pas à faire tout ce que l'on voudrait, compte tenu des programmes chargés avec trois voire quatre catégories. Photographier, échanger avec les gens (pilotes mais aussi mécanos et technicien) et ensuite relater, c'est ce qui me plait le plus.


    Certains pilotes ou team managers t'appellent-ils pour te donner de l'actualité ?
    PH : Rarement, très rarement. Si tu n'appelle pas, peu te donnent des news, mais avec les réseaux sociaux, on apprend beaucoup de choses.


    Q uelle est ta mission auprès de l'Equipe de France ?
    PH : Je gère les pages facebook (MXDN et ISDE), je fournis à la Fédération des phots et des communiqués de presse


  • Facebook EDF MXDN.

  • Facebook EDF ISDE.

  • Dakar, ISDE, championnat de France d'enduro : tu t'es un petit peu "diversifié" ?
    PH : C'est le hasard qui m'a amené à me diversifier, et je ne regrette vraiment pas ! J'ai aussi touché au Supermoto avec le championnat du monde, une discipline qui fut magnifique au début des années 2000 avec la présence de nombreuses usines et des Français au top. Le Dakar, j'en ai parcouru deux. Ce fut de belles expériences mais on ne peut pas bosser correctement, donc ça ne m'intéresse pas d'y aller. On est mieux informé dans son canapé derrière sa télévision et son ordinateur que sur place. Et cette course me fait trop peur, trop de pilotes y ont laissé soit leur vie, soit leur carrière. Les ISDE continuent de me passionner, les suivre au sein de l'Equipe de France est un privilège et je ne m'en lasse vraiment pas. L'intérêt de toucher à d'autres disciplines permet de faire de nouvelles rencontres, de découvrir de nouveaux pays, de vivre de nouvelles expériences.


  • Sur le Dakar !

  • Encore combien de temps penses-tu couvrir les GP et les CF ?
    PH : Aucune idée. Comme je l'ai dit à Villars, l'année dernière, il faut trois ingrédients : la passion (pour moi cela n'a jamais été un travail, même si c'en est quand même un !), la santé et des gens qui te font travailler (ne serait-ce que pour couvrir les frais).


  • Pour les 500 GP en 2017 !

  • Aurais-tu aimé couvrir le motocross dans les années 1950, 1960 ?
    PH : Pas plus que cela.


    Quelles principales évolutions as-tu observé en tant que photographe-journaliste ?
    PH : Le numérique et l'informatique ont tout changé. D'un côté, ça nous a simplifié la vie. Entre internet qui permet d'être au courant de tout à n'importe quel endroit du monde et le numérique qui te permet de garder chez toi tes photos, alors qu'avec les diapositives, tu n'avais plus rien une fois que tu les avais envoyées au magazine. D'un autre côté, le numérique te pourrit un peu la vie, tu fais des milliers de photos que tu n'as pas toujours le temps de trier et stocker convenablement ! Les jeunes ne peuvent pas imaginer ce qu'ont vivait dans les années 1980, sans GPS pour aller sur les circuits, sans téléphone portable, sans ordinateur...


  • Le circuit est bien indiqué !

  • Quelles principales évolutions as-tu observé dans le monde du motocross, des courses ?
    PH : L'argent est de plus en plus présent (et parfois nécessaire pour décrocher un guidon). La sophistication des motos est telle, qu'aujourd'hui un team compte six à huit personnes pour deux pilotes, alors que dans les années 1980, un pilote usine se déplaçait en fourgon avec son seul mécanicien. Le regroupement des catégories a changé la donne, et si aujourd'hui, c'est plaisant de voir toutes les catégories le même jour au même endroit, cela gâche un peu le plaisir dans la mesure, où tu n'as plus trop le temps entre les courses de trainer dans la paddock pour tailler la bavette avec les acteurs de notre sport. L'autre évolution qui n'est pas toujours positive, c'est que le regroupement des catégories a entrainé la mort, au plus haut niveau, de beaucoup trop de beaux circuits où on ne peut plus aller car le paddock n'est pas assez grand pour recevoir la caravane du Mondial. On préfère parfois aller sur un terrain plat où il y a un beau paddock, plutôt que d'aller sur un vrai circuit de cross. La liste est (très) longue de tous les circuits sur lesquels on aimerait retourner pour un GP.


    Selon toi, quelle est la meilleure période du motocross ?
    PH : Je dirais les années 1980, qui nous ont offert un premier vainqueur de GP 500, puis un premier Champion du Monde, puis un second qui est parti découvrir l'Amérique avec succès. C'était une époque où le Mondial était ouvert à tous, il suffisait d'être rapide aux chronos et c'était bon. La majorité de mes meilleurs souvenirs se situe entre le milieu des années 1980 et la fin des années 1990, même si je vis encore de très bons moments.


  • Pascal, heureux !

  • As-tu l'idée de publier un livre : raconter ta vie de "globe motocross follower" ou présenter tes plus belles photos ?
    PH : Cette question m'a déjà été posée. Pour l'instant il n'y a pas de projet, car je n'ai notamment pas le temps de me replonger dans mes archives. Cela viendra peut-être un jour, mais ce n'est pas sûr, car je ne sais pas si cela intéresserait vraiment les gens. Publier un livre c'est bien, mais ça coûte un peu de sous, et si c'est pour les garder dans son garage parce qu'il ne se vend pas...


    Photos : P.Haudiquert sauf * L'archiviste