Ayant suivi le premier Grand Prix 250 de la saison 1972 puis la deuxième des courses de classement du présent championnat du monde a Pernes les Fontaines, je me suis trouvé très vite en mesure de vous affirmer que le super-crossman Joël Robert paraissait fin prêt d'ajouter un sixième titre mondial a sa collection.
Outre que son extraordinaire talent de pilote, son invraisemblable condition physique et le puissant dispositif technique dont il dispose me semblaient garantir encore une fois son succès, le fait que son coéquipier chez Suzuki, Sylvain Geboers, s'était blessé sérieusement a Pernes et que le vice-champion du monde 1971, passé au service de la nouvelle Yamaha n'avait pu participer aux premières épreuves en raison d'un accident survenu en début d'année ne pouvait que renforcer ce pronostique, même si les Soviétiques faisaient d'emblée très forte impression avec les nouvelles CZ.
Une semaine avant ce Grand Prix a Holice, dans le sable de Markelo, le championnat du monde 250cc a assisté a une nouvelle victoire de J.Robert, encore que S.Geboers, très vite revenu en course, eut pris aussitôt la deuxième place. Dès le premier quart de la confrontation 1972, il apparaissait que l'affaire restait sans surprise et je me suis demandé si, pour une fois, le championnat du monde en 500cc n'allait pas se montrer plus passionnant a suivre que son homologue en quart de litre.
Ce n'est tout de même pas seulement en fonction de cette interrogation que je me suis rendu a Holice pour y voir le quatrième des douze Grand Prix a courir. On sait que cette petit ville s'est taillé une réputation internationale rarement égalée en présentant des organisations de championnat du monde citées a chaque fois comme un événement sportif d'une classe exceptionnelle. On sait encore que l'A.M.K Holice a noué des relations avec quantité de grands clubs européens qui sont représentés a chaque fois que grand club tchèque organise, tout ceci contribuant a donner a la manifestation un caractère très attachant. Enfin, Holice est jumelée avec Laguépie et j'y compte personnellement beaucoup d'amis.
A ce titre, je suis souvent allé la-bas, et je vous ai déja tout dit d'une organisation sans faille, d'un circuit que l'on considère comme l'un des plus durs, des plus sélectifs qui soient, d'un accueil sans pareil aussi. Il est vrai que l'A.M.K Holice possède en la matière une expérience sans égal, son Grand Prix 1972 étant la dixième auquel il s'est consacré, sans parler des deux Trophées des Nations également mis sur pied entre-temps !
Holice n'a pas souvent réussi a Joël Robert. Non certes que la " Merveille belge " n'y soit totalement a son aise (bien au contraire, le quintuple champion du monde y brille d'autant mieux que les difficultés y sont grandes) mais il y connaît la plupart du temps une déveine noire ! Je me rappelle a ce propos la fois où menant la course avec un tour d'avance sur tous ces adversaires et tombant en panne d'essence, il fut disqualifié pour avoir ravitaillé hors de l'endroit prévu a cet effet. Et vous savez que l'année dernière, Joël s'est sérieusement blessé au pied au cours de l'entraînement et a dû abandonner après avoir démontré en quelques tours une insolente supériorité.
Allait-il vaincre la malchance qui pèse régulièrement sur son comportement a Holice ? On a pu le croire quand on l'a vu s'assurer rapidement la première place au début de la première manche et vaincre avec aisance dans cette première partie de la course. Mais son manager, Serge Schellens, restait soucieux et il avait raison. Le seul adversaire pour son poulain étant le soviétique Vladimir Kavinov (deuxième dans la première manche) et Joël ayant sur celui-ci une bonne avance, les choses allaient pourtant au mieux et le champion du monde se contentait de garder la deuxième place derrière un rival qu'il lui suffisait de battre au meilleur temps total. Seulement, le destin a attendu l'ultime seconde pour se prononcer. Au dernier tour, le cadre de la Suzuki a cassé net. Joël Robert a tenté de poursuivre a dix a l'heure, mais c'était encore trop demander a sa monture brisée. Il a dû finir les derniers cent mètres en poussant, étant rejoint in-extrémis par trois concurrents et passant la ligne d'arriée en cinquième position.
Vladimir Kavinov a donc signé une victoire au Grand Prix de Tchécoslovaquie en 250cc. Une victoire d'ailleurs méritée car il est sans aucun doute l'un des meilleurs mondiaux actuels et se trouve stimulé par le mordant de ses camarades du team soviétique qui ont fait mieux que lui en Espagne et ailleurs. Dans l'ensemble, ce championnat du monde 1972 en 250cc nous propose en effet une équipe officielle soviétique jeune et terriblement efficace, une équipe comme nous n'en avions plus vue depuis Victor Arbekov qui fut champion du monde. C'est la, le premier point a dégager et les Soviétiques eux-mêmes en sont si conscients qu'ils ont mis le marché en main a l'usine CZ : ou bien celle-ci leur accorde un mécanicien a la hauteur (Victor Lahita, qui fut celui de Joël Robert quand ce-dernier était champion du monde pour la marque tchèque) ou bien...ils pourraient voir du côtî de KTM, l'usine autrichienne dont Kavinov a essayé si brillamment la 250 en Hollande !
Ceci dit, Joël Robert ne sort pas diminué de l'affaire. A Holice, il était clair pour tout le monde qu'il n'avait aucun rival capable de l'inquiéter. Il demeure le supercrack et, comme le malchanceux Geboers, peut-être trop vite remonté en selle après sa fracture de Pernes, n'a pas paru en brillante condition sur le sévère circuit tchèque, on ne voit pas comment le titre pourrait lui échapper.
Reste que Joël nourrit quelques inquiétudes du côtî de son matériel, Suzuki n'a pas beaucoup modifié sa machine depuis trois ans, du moins dans sa conception générale, car côtî moteur, la 250 a gagné beaucoup de puissance et le champion du monde estime aujourd'hui que sa moto est devenue fragile, qu'elle connait trop souvent des ennuis.
Uno Palm a encore une fois fait une belle course et son coéquipier Husqvarna Arne Kring a enfin réussi une bonne place. Le Soviétique Kibirine et le Tchèque Halm ont toujours été dans le combat et Hakan Andersson a enfin montré le bout du nez de sa Yamaha.
Ce dimanche 14 mai a d'ailleurs été faste pour cette nouvelle venue japonaise au sein du motocross puisque le même jour, mais au championnat du monde en 500, Christer Hammargren et Jaak Van Velthoven terminaient également aux places d'honneur lors du Grand Prix de Suède. Est-ce a dire que les " Yam " sont dans le coup ? Ca n'aurait rien d'étonnant !
Par contre Olle Pettersson et la Kawasaki ont été bien malchanceux. Olle a réussi une belle première manche mais s'est retrouvé dernier au début de la seconde et malgré de beaux efforts, n'a pu revenir en bon rang.
Citons encore les bonnes performances de Torleif Hansen, Gaston Rahier et Kalevi Vehkonen. Quant a notre unique représentant, Jean Claude Nowak, il a terminé avec courage la première manche et a abandonné ensuite pour avoir perdu sa tuyauterie d'essence.
Voici les classements :
Première manche
1) J.Robert (B - Suzuki)
2) V.Kavinov (URS - CZ)
3) H.Andersson (S - Yamaha)
4) U.Palm (S - Husqvarna)
5) M.Halm (TCH - CZ)
6) A.Kibirine (URS - CZ)
7) A.Kring (S - Husqvarna)
8) H.Schmitz (D - Maico)
9) G.Moiseev (URS - CZ)
10) K.Vehkonen (SF - Montesa)
Seconde manche
1) V.Kavinov (URS - CZ)
2) A.Kring (S - Husqvarna)
3) U.Palm (S - Husqvarna)
4) A.Kibirine (URS - CZ)
5) J.Robert (B - Suzuki)
6) M.Halm (TCH - CZ)
7) G.Rahier (B - Husqvarna)
8) H.Andersson (S - Yamaha)
9) K.Vehkonen (SF - Montesa)
10) T.Hansen (S - Husqvarna)
Classement du Grand Prix
2) J.Robert (B - Suzuki)
3) U.Palm (S - Husqvarna)
4) A.Kring (S - Husqvarna)
5) A.Kibirine (URS - CZ)
6) M.Halm (TCH - CZ)
7) H.Andersson (S - Yamaha)
8) K.Vehkonen (SF - Montesa)
9) G.Rahier (B - Husqvarna)
10) T.Hansen (S - Husqvarna)