En 1962 et 1963, le Grand Prix d'Espagne de motocross a été organisé par le Motoclub Ruta, avec talent, mais à partir d'un circuit insuffisant pour une telle épreuve. De plus, le mauvais temps qui a sévi la première année a éprouvé durement, les ressources financières des organisateurs et, en fin de compte, c'est au Motoclub Diez por Hora que la RFME a demandé de présenter cette année, la troisième édition du premier des Grands Prix du Championnat du Monde.
Tâche difficile, en particulier pour un club qui, très actif dans le domaine des compétitions de vitesse et rallye automobiles et motocyclistes, n'avait jusqu'alors jamais préparé un motocross !
Or, le Motoclub Diez por Hora s'est admirablement tiré de sa tâche, édifiant une organisation sans faille apparente, satisfaisant largement tout le monde et assurant dans des conditions sportives très améliorées le déroulement du troisième Grand Prix d'Espagne de la Petite Cylindrée.
Le circuit, situé cette fois à Santa Coloma de Gramamet, un faubourg de Barcelone, a conservé du précédent sa position à proximité des maisons d'habitations. Mais, beaucoup plus large, beaucoup plus naturel, enrichi de bonnes dénivellations et d'une jolie montée par paliers successifs, il nous a paru infiniment plus valable que la piste de Pedralbes.
tout de même de côté-là, s'il y a un progrès certain, nos amis espagnols ont encore à faire un effort pour que la piste convienne absolument à un Grand Prix. En effet, elle est encore bien trop courte, à peine plus d'un kilomètre, et si la largeur générale et la ligne de départ de bonne longueur pallient sensiblement les inconvénients qui en résultent, il n'en reste pas moins que les coureurs passent trop souvent, trop vite aussi.
Le service d'ordre, l'ordonnance des départs, le contrôle de la course, l'établissement des classements, la préparation, l'aménagement de la piste, la réception des coureurs et des personnalités ne méritent que des éloges.
Aussi, en fin de compte, le troisième Grand Prix d'Espagne a-t-il connu un solide succès, apprécié par les participants et leur entourage comme par une foule évaluée à 25 000 spectateurs. Cette réussite nous fait espérer que le Motoclub Diez por Hora continuera dans cette voie nouvelle pour lui, en essayant de donner plus de longueur, plus de difficultés à un parcours qui, à ce prix, rejoindrait le très bon niveau de l'organisation générale.
12 nations 29 partants
Ici aussi, il y a eu progrès. La liste des participants a été plus fournie qu'à l'habitude - l'ancien circuit obligeait à des restrictions. - et encore deux nations avaient-elles fait défaut : le Danemark et le...Chili, bel et bien annoncés au programme !
Tout de même, à part les Soviétiques absents eux aussi, tous les pays, tous les coureurs ayant leur mot à dire dans le Championnat du Monde de la Petite Cylindrée étaient présents. Pour Igor Grigoriev, l'on regrettera la non-participation des Soviétiques, car ce brillant champion doit jouer un rôle capital dans la course au titre mondial et bien qu'il y ait en tout quatorze Grands Prix, moins il manquera, mieux cela vaudra pour son résultat final. Des 29 champions présents, 18 au moins peuvent être comptés parmi les meilleurs internationaux connus. C'est dire que le Motoclub Diez por Hora a su constituer un très solide plateau.
Voyons un peu la liste des engagés :
Otto Walz et Fritz Betzelbacher pour l'Allemagne Fédérale. Le premier est là avec la Montesa d'usine et le second inaugure la toute dernière Montesa-Wabeha, dont le cadre ne pèse que...7 kilos !
Vlastimil Valek, Karel Pilar, Peter Dobry représentent la Tchécoslovaquie, présente pour la première fois à Barcelone, depuis qu'un Grand Prix s'y court en motocross. Avec eux deux nouvelles Jawa d'usine, et aussi des CZ, pareillement officielles.
CZ aussi - d'usine - pour l'unique belge présent, le jeune Joël Robert qui, par deux fois chez lui, a inauguré cette belle monte en battant le champion du Monde Hallman en personne !
En suivant l'ordre du programme, voici un Finlandais, Aarno Erola, qui fut dès 1963 pilote d'usine pour la marque espagnole Montesa. Erola est resté fidèle à cette maison.
Forte représentation britannique avec Don et Derek Rickman, à qui l'usine espagnole Bultaco a confié pour la circonstance des 250 encore pas commercialisées. Quant à l'industrie anglaise, elle sera défendue tout à l'heure par Dave Bickers et John Griffiths, tous deux sur Greeves "Challenger".
Deux Hollandais sont là : Robert Selling et Jan Van der Hock, sur Greeves. Quant au champion néerlandais Fritz Selling, il est bien présent, mais hélas simplement comme mécanicien de l'équipe officielle Greeves !
Deux hommes encore chez les Suisses : le zurichois Max Morf (Maïco) et HP.Lutz (BLM) qui doit marquer des progrès sérieux, cette saison.
Que reste-t-il ? L'Autrichien Statzinger (HVA), nos compatriotes André Mompo (Greeves) et Serge Henry qui, après avoir tourné aux essais avec sa Maïco 1964, reviendra pour la course à sa Honda "maison", car il n'est pas encore fait à sa machine allemande.
Eh oui, l'as Tchèque Valek a eu une chance sérieuse de mettre son grand rival, Hallman, en difficulté dès le début du Championnat du Monde et il a suffit d'un frein arrière pour condamner cette possible réussite !
L'occasion était d'autant plus belle pour le Tchèque qu'Hallman n'était pas merveilleusement parti, ni non plus Don Rickman que nous pointions neuvième au bout de la ligne droite !
Valek, donc, prit la tangente, avec toute la rapidité qui le caractérise. Hallman, lui, se hâta de se rapprocher et se situait bientôt bientôt en troisième position, entre le Tchèque et Erola qui le précédait, et Pilar, Bickers, Betzelbacher, Jan johansson, Morf, Selling, Don Rickman, etc...qui suivaient très près les uns des autres.
Il ne fallut que trois tours au champion du Monde pour s'assurer de la deuxième place sur Erola, Don Rickman revenant dans le même moment à la huitième place.
Au septième tour, nous avions dans l'ordre Valek, Hallman, Pilar puis après un moment, Bickers et Don Rickman ensemble. encore un instant et apparaissaient, l'un derrière l'autre, Erola, Johansson, Griffiths, Petterson, Loof, Joël Robert, Lutz, enfin déjà fort loin, Morf, Angelini, Mompo, Walz, etc.
Betzelbacher avait disparu, son réservoir de plastique dessoudé s'étant vidé dans ses bottes. Derek Rickman, très mal parti, s'arrêtait, repartait, rentrait.
Enfin OP.Bulto semblait connaître également des ennuis, de même que Serge Henry qui visitait à son tour le parc. Nous n'en étions pas encore au premier tiers de cette manche que, dans le ciel azuré, ensoleillé de Barcelone, un noir nuage allait s'élever pour Valek. Au huitième passage, en effet, celui ne passait qu'en deuxième position, rattrapé et dépassé par Hallman ! Et, à chacun des tours suivants, l'allure de Valek ralentissait du fait du frein arrière de plus en plus défaillant de la CZ.
Alors, Don Rickman, bien revenu sur Pilar, s'assurait la troisième position et Dave Bickers et Olle Petersson se rapprochaient. Bientôt, Valek s'arrêtait, c'était fini d'un grand espoir d'enlever ce Grand Prix d'Espagne.
Hallman étant en tête, avec Pilar et Don Rickman pas loin du tout derrière lui, le combat s'engageait d'abord entre ses deux poursuivants. comme le jeune Dobry était en panne avec la seconde des Jawa, Pilar restait le seul Tchèque bien placé et ce sentiment lui donnait la force de résister à la pression exercée par Rickman et le trio de tête tournait avec huit secondes (et plus) d'avance sur Bickers, Griffiths, Petersson, Erola, etc.
Au dix-huitième tour (sur 25), Rickman porta une attaque décisive, enlevant Pilar la deuxième place et se situant à cinq secondes du leader. Le Tchèque, dans l'aventure, perdait du terrain, ne passant qu'àprès Bickers et Griffiths.
Au vingtième tour, Don Rickman avait repris deux secondes, Joël Robert s'arrêtait. Bickers passait avec dix-huit secondes de retard sur Hallman, puis venait Griffiths à trente-trois secondes, Valek à trente-huit secondes, Petersson à quarante-deux secondes, Erola à une minute huit, enfin Johansson et Loof extrêmement loin.
La course était jouée. Don Rickman terminait à quatre secondes, sans prendre un risque excessif. Bickers profitant du ralentissement en tête, se rapprochait un peu et Petersson parvenait à prendre la quatrième place à Griffiths lequel conservait le meilleur sur Pilar, Johansson, Loof et Erola, seuls à terminer dans le tour du vainqueur avec les précédents.
Au quatrième tour, cet écart était réduit à rien. Derrière les deux hommes, une homérique et longue bataille s'engageait entre les suivants, dans l'ordre Betzelbacher, Loof, Valek, Griffiths, Johansson, Erola, Pilar, Petersson. Otto Walz menait un troisième peloton, entrainant Bickers bien éloigné alors, Joël Robert, Lutz, Derek Rickman toujours hors du coup, Van der Hoeck, etc
Serge Henry tournait en dernière position et Mompo, dès le départ, était resté en panne d'allumage.
Moins de deux minutes plus tard, les choses changent. Hallman passe Don Rickman, qui reste accroché à sa roue. Valek talonne Betzelbacher, Griffiths suit et passe Loof. Puis le numéro un tchèque passe le grand Allemand qui reste quatrième devant Griffiths, etc.
Bickers commence à remonter, non sans peine car les hommes qui le précèdent tournent vite, s'accrochant dur à leurs places, et l'ex-champion d'Europe ne semble pas avoir retrouvé tous ces moyens d'antan. Heureusement, pour sa marque en tout cas, la nouvelle recrue Griffiths est beaucoup plus dans le bain, ce dont Betzelbacher fait bientôt l'expérience, en dépit d'une jolie résistance.
Pauvre Fritz ! Alors qu'il est encore cinquième, à la mi-course, le voici qui crève de l'arrière ! Ses beaux départs, ses beaux efforts dans les deux manches ne seront donc pas récompensés, mais ils ont suffit à montrer à la fois l'excellente de sa condition et le brio de sa Wabeha-Montesa.
Indiscutablement, Torsten Hallman, le tenant du titre depuis deux ans, ne parait pas las de régner sur la catégorie. Toujours aussi fort, aussi génial en course, aussi pur de style, aussi bien armé côté mécanique, il sera très difficile à battre encore cette saison.
Mais avec lui semble se limiter les chances qu'à la Suède, les chances qu'à la Husqvarna de conserver le titre. En effet ni Johansson, ni encore moins Petersson ne nous paraissent pouvoir faire face à l'adversaire anglais, tchèque et...russe quand Grigoriev entrera dans la danse !
Hallman, en 1963, a certes su faire face dans une solitude sensiblement identique. Mais à l'époque, la construction anglaise était en difficulté. Or, cette fois-ci, l'on peut attendre un bon comportement de la Greeves "Challenger" et il est probable que Griffiths fera plus d'une fois parler de lui, sans parler d'un réveil possible de Bickers sur des circuits plus difficiles que celui de Santa Colomer de Cramanet.
Enfin, gare toujours aux Tchèques. Leurs CZ restent à la hauteur de toutes les circonstances, leurs Jawa sont fulgurantes de rapidité et trouveront bien une boîte plus résistante. Quant à Pilar, à Valek, au jeune Dobry, ce sont d'extraordinaires crossmen.
Aux places d'honneur du Grand Prix d'Espagne, des hommes comme Erola, Loof, Joël Robert, Lutz, Otto Walz doivent encore se mettre en valeur ailleurs, s'ils persévèrent dans leur participation au championnat du monde. Otto Walz, d'ailleurs, aurait sans doute fait mieux à Barcelone si, à deux heures du départ, il n'avait eu l'amère surprise de trouver sa voiture cambriolée !
Voilà ce qu'on peut dire, en gros, après cette première du championnat du monde 1964 en 250cc. Rendez-vous donc après le Grand Prix suivant, le 26 avril en Belgique, pour y voir un peu plus clair.
Voici les résultats :
1) Hallman.T (S - Husvarna) 25 tours en 39'43''
2) Rickman.Don (GB - Bultaco) 39'47''
3) Bickers.D (GB - Greeves) 40'04''
4) Petersson.O (S - Husqvarna) 40'20''
5) Griffiths.J (GB - Greeves) 40'24''
6) Pilar.K (Tch - CZ) 40'25''
7) Johansson.J (S - Lindstrom) 41'03''
8) Loof.C (S - Husqvarna) 41'08''
9) Erola.A (SF- Montesa) 41'09''
10) Lutz.HP (CH - BLM) à 1 tour
11) Robert.J (B - CZ) à 1 tour
12) Walz.O (S - Montesa) à 1 tour
13) Angelini.L (I - Parilla) à 1 tour
14) Mompo.A (F - Greeves) à 2 tours
15) Van der Hoek.J (NL - Greeves) à 2 tours
16) Statzinger.K (A - HVA) à 2 tours
17) Morf.M (CH - Maïco) à 3 tours
18) Rickman.Derek (GB - Bultaco) (S - HVA) à 3 tours
19) O.P.Bulto (E - Bultaco) à 4 tours
20) P.Pi (E - Montesa) à 6 tours
Deuxième manche :
1) Hallman.T (S - Husvarna) 25 tours en 39'10''
2) Rickman.Don (GB - Bultaco) 39'16''
3) Valek.V (Tch - Jawa) 39'30''
4) Griffiths.J (GB - Greeves) 39'53'''
5) Pilar.K (Tch - CZ) 39'57''
6) Petersson.O (S - Husqvarna) 40'02''
7) Bickers.D (GB - Greeves) 40'02''
8) Robert.J (B - CZ) 40'31''
9) Erola.A (SF- Montesa) à 1 tour
10) Loof.C (S - Husqvarna) à 1 tour
11) Lutz.HP (CH - BLM) à 1 tour
12) Walz.O (S - Montesa) à 1 tour
13) Van der Hoek.J (NL - Greeves) à 2 tours
14) Statzinger.K (A - HVA) à 5 tours
15) Betzelbacher.F (D - CZ) à 5 tours
16) O.P.Bulto (E - Bultaco) à 6 tours
1) Hallman.T (S - Husvarna) 2 pts
2) Rickman.Don (GB - Bultaco) 4 pts
3) Griffiths.J (GB - Greeves) 9 pts
4) Bickers.D (GB - Greeves) 10 pts 1h20'06''
5) Petersson.O (S - Husqvarna) 10 pts 1h20'22''
6) Pilar.K (Tch - CZ) 11 pts
7) Erola.A (SF- Montesa) 18 pts 1h20'29''
8) Loof.C (S - Husqvarna) 18 pts 1h20'37''
9) Robert.J (B - CZ) 19 pts
10) Lutz.HP (CH - BLM) 21 pts
11) Walz.O (S - Montesa) 24 pts
12) Van der Hoek.J (NL - Greeves) 28 pts
13) Statzinger.K (A - HVA) 30 pts
14) O.P.Bulto (E - Bultaco) 35 pts