Pour son retour à la compétition après son forfait à Vesoul, le double tenant du titre 1953-54 s’alignait de nouveau au départ. Mais Auguste Mingels savait que ce serait sans doute la dernière pour le titre 1955 puisqu’il avait retenu sa place dans une clinique d’outre-Quiévrain, pour être opéré du ménisque sitôt après cette compétition.

L’anglais Archer, non participant à l’ouverture de Genève mais vainqueur à Vesoul, ne s’est pas présenté au départ. Bornons-nous à le constater, les raisons sont en effet multiples. D’abord le champion britannique juge peut-être qu’il lui reste suffisamment d’épreuves pour défendre ses chances…l’avenir nous le dira…d’autre part il appartient à la maison Norton, qui s’intéresse beaucoup plus à la course de vitesse qu’au motocross (précisons en passant que les machines qu’il monte et qui sont les seules avec les FN à être équipées d’un moteur à arbre à came en tête sont des adaptations de son cru pour la partie cycle. En tout cas, nous retrouverons vraisemblablement le sympathique « Leslie » à la prochaine épreuve, en l’occurrence le Grand Prix d’Angleterre qui de déroulera le 3 Juillet prochain à Hawkstone Park et où il aura une première chance.

Chez les Français, on retrouvait nos trois piliers de la représentation internationale tricolore : le Champion de France Molinari, Jacques Charrier, Robert Klym, Champion de France 350 assisté de son frère René. Frantz et Brassine, qui avaient fait une apparition à Vesoul et qui, rappelons-le, relèvent de graves accidents, n’étaient pas au départ…non plus que le Britannique Draper, pour des raisons que nous ne connaissons pas.

Ce Grand Prix était, comme tous les autres qui se déroulent presque d’un dimanche sur l’autre aux quatre points cardinaux de l’Europe, un grand festival de coureurs d’usine. Jugez-en plutôt :

Chez FN :
Les Belges, Mingels, Leloup, Somja

Chez BSA :
- Les Suédois, Nilsson et Lundin
- Les Anglais, Stonebridge, Smtih et Nex
- Le Français, Robert Klym

Chez Sarolea :
Le Belge, Janssen

Chez Matchless :
- Le Belge, Baeten

Chez Gilera :
Le meilleur coureur maison, en l’occurrence notre Champion de France Molinari

En passant, tirons notre chapeau aux rares « indépendants » engagés dans cette galère où le prestige même des marques se trouve mis en compétition entre le nec plus ultra des coureurs mondiaux, c’est tout dire quant à l’importance et aux risques qui y sont pris. Tirons-le – ce chapeau – notamment à notre excellent international Jacques Charrier, qui est systématiquement volontaire pour tous ces coups durs, également à René Klym, Champion de France 250 cc et coureur 500 de classe internationale, à l’Anglais Harold Lines, qui fut une des idoles de Montreuil et au Belge Neri (Gilera) qui passe pour être le meilleur senior belge venu lui « en pays » voisin puisqu’il est de descendance italienne. Enfin dans un lot à part, s’alignait la représentation italienne privée de son meilleur homme : Fenocchio (Gilera), en coquetterie passagère avec sa fédération.

Les favoris
Leloup, Lundin et quoique blessé, l’impétueux Mingels.

Le terrain
Situé dans un parc municipal, genre petit Bois de Boulogne, aux environs immédiats de la ville d’Imola, c’était aux dires des participants, vraiment magnifique : à la fois vite et tourmenté, avec de belles escalades et des passages successivement en sous-bois, sur des berges de rivière et sur de longs déboulés d’herbe (chose étonnante, la piste coupait le fameux circuit de vitesse d’Imola, et l’endroit où s’est tué le prestigieux Amm en début de saison, était à 400 mètres du podium. Les coureurs sont allés s’y recueillir et y ont déposé une gerbe de fleurs.

La qualification
beaucoup plus facile que lors des deux courses précédentes, retenait deux fois 10 coureurs en deux manches éliminatoires, alignant chacune 12 pilotes au départ. Chaque éliminatoire comptait 8 tours de circuit ; soit 25,600 km et l’épreuve proprement dite 14 tours soit 44,800 km. Il était prévu et normal que les coureurs italiens fassent les frais des éliminés car, quoique en progrès, ils avaient vraiment à faire à trop forte partie. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé. Mais parlons d’abord des conditions de terrain, car elles auront, en fait, une grosse importance sur le déroulement et les péripéties de la course : bon partout, sauf – mais le motocross ne choisit pas, ce n’est donc pas une critique – un lit de rivière particulièrement poussiéreux où le peloton se trouvait enfermé dans un véritable nuage. C’est dire combien les « places » étaient chères au start – cette poussière devait d’ailleurs être fatale à notre ami René Klym.

Première éliminatoire
Elle alignait : Leloup, Lundin, Somja, Stonebridge, Nex, Molinari, Klym (Robert), Charrier, tous facilement qualifiés, ainsi que les Italiens Antonio Sica et Raimondo Di Sambuy, deux de leurs compatriotes faisant les frais de l’élimination. A proprement parler, elle se déroula dans l’ordre du départ, à savoir, Stonebridge qui mena de bout en bout, suivi par Nex, Somja, Lundin, Molinari, Klym (Robert), Leloup qui creva dès le début, eut le temps de changer sa roue et de remonter.

La deuxième manche qualifiant également 10 coureurs sur 12 et alignant Mingels, Nilsson, Baeten, Smith, Jansen, Milani, Lines et Neri, etc…fut en quelque sorte la redite tactique de la 1ère manche, mais fut marquée dès le 1er tour par un grave accident survenant à René Klym qui, parti dans le peloton, s’égara dans la poussière, quitta la piste et vint se fracasser sur les balises. On le releva avec une fracture de l’avant-bras et une vilaine blessure à la face. Nilsson mena de bout en bout, suivi également de bout en bout par Smith, suivi lui-même de bout en bout par Baeten, suivi de la même façon par Jansen. Mingels parti en 8ème position termina 5ème , Neri 6ème, et Lines 7ème.

Le Grand Prix D’Italie
La course elle-même, celle comptant pour les Championnats d’Europe, alignait donc pratiquement « tout le monde ». Une chose était certaine - vérifiée encore on vient de le voir lors des deux éliminatoires : le départ allait être quasi déterminant.

Etant donné le nombre de coureurs (20) et la largeur de la piste, une starting-gate était irréalisable, aussi les dirigeants italiens avaient-ils installé un start aux lumières, c'est-à-dire : rouge signifiant arrêt, jaune signifiant attention et vert : partez. Chacun était là , tendu sachant pertinemment qui celui qui serait « décollé » dans la poussière n’aurait plus aucune chance de rejoindre le peloton : voilà l’ambiance !


Carlo Molinari en tête du Grand Prix
Molinari passe en tête au 1er tour, suivi du suédois Lundin, du Belge Somja, de l’Anglais Stonebridge, du Belge Jansen et de l’Anglais Lines et de ses compatriotes Nex, Smith, de Leloup, de Charrier, de Klym (Robert), de Sica, etc…Mingels très mal parti sort de la poussière dans les derniers avec Baeten, Nilsson et des Italiens.

Au 2ème tour,
le Français rétrogradé en 4ème position a cédé sa place à Lundin qui ne la quittera plus jusqu’à la fin, suivi de Somja et de Stonebridge. Derrière viennent Jansen, Nex, Smith, Leloup, Lines, Charrier, Klym (Robert), Baeten, Nilsson, etc…

Au 3ème tour,
Jansen est passé à la 4è place qu’il gardera jusqu’à la fin, Stonebridge monte en 2de position au 10ème tour et terminera 2ème. Nilsson rappelons-le très mal parti, chute plusieurs fois dans la poussière, mais fait une splendide remontée qui le mène de la 15ème ou 16ème place à celle de 7ème. Leloup parti en 9ème position a gagné deux places au 6ème tout et terminera 8ème. Les Français terminent respectivement : 9ème Molinari (en difficulté avec sa poignée de gaz), 10ème Klym (Robert) et 12ème Charrier. Quant à l’Anglais Lines, bien parti en 6ème position, il perd des places à chaque tour, se trouve en 9ème au 2è tour, 14ème au 4è et finit par rentrer au parc.

En résumé, course magnifique du Suédois Lundin, très maître de lui, ne décollant pas sur les bosses, rapide à l’accélération et tout en efficacité.

Voici le classement :
1) Lundin.S
2) Stonebridge.B
3) Somja.J
4) Jansen.N
5) Smith.J
6) Nex.P
7) Nilsson.B
8) Leloup.V
9) Molinari.C
10) Klym.Ro
11) Mingels.A
12) Charrier.J
13) Neri.F

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Source : Motocycles n°150 / R.Mouchet photos : Tonylamalte et Archives Carlo Molinari
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