Enkoping,
c’est une petite ville à proximité de Stockholm, beaucoup plus au nord que les
circuits que nous avions jusque là visité en Suède. Mais ce n’est pas à cette
position géographique que nous avons dû de rencontrer là bas, le froid et la
pluie, car, en réalité, dès les premiers kilomètres, les circonstances atmosphériques
se sont résolument montrées hostiles et les 2 500 km du voyage accompli
par notre méridional Lucas ne lui ont guère laisse le loisir d’abandonner le
bouton de l’essuie-glace que pour saisir un mouchoir !
Lui (et nous-même)
aurions pourtant bien mérité que cette entreprise soit à l’origine de quelques
bons souvenirs. En effet, il avait fallu beaucoup de persévérance de notre coté,
beaucoup d’esprit sportif chez notre coureur pour que
Figurez-vous
d’abord, que l’engagement de Lucas à Enkoping n’a pas été obtenu facilement.
Nous avions bien écris, 3 mois avant le déroulement de l’épreuve, mais ce ne
fut qu’à 2 semaines du grand jour que nous avons été avisés d’un refus sous le
prétexte que le plateau était complet.
Naturellement,
nous nous sommes fâchés ! Pour deux excellente raisons ! D’abord, si la
candidature avait été prise en considération quand elle est parvenue aux
organisateurs, ceux-ci n’auraient sûrement pas pu répondre qu’ils n’avaient
plus de place ! Ensuite, nous n’avons pas voulu admettre que notre pays,
qui a reçu pour son compte 4 Suédois à Saint-Quentin et 7 à Pernes-les-Fontaines
se voit interdire la participation au GP de Suède du seul de ses coureurs classé
au palmarès (avec les 2 points conquis au GP d’Espagne).
Conséquence
de notre intervention (mécontente) auprès de M. Gulberg, secrétaire général de
Mais n’allez
pas penser qu’une affaire si mal engagée allait désormais se poursuivre sans
plus de complications. Outre Lucas, nous avions prévu un second coureur, spécialiste
de la petite cylindrée, amateur d’épreuves à l’étranger et qui nous avait lui même
demandé à aller en Suède, contrée si coûteuse à atteindre qu’on imagine mal un
seul coureur s’y rendre pour 500 NF de prime de départ !
Or, devinez
ce qui s’est passé, après que nous ayons adressé à ce crossman son bulletin d’engagement
et toutes les instructions nécessaires pour effectuer le déplacement de concert
avec Lucas ? Eh bien ledit pilote nous a carrément laisse tomber !
Comprenez bien : il n’a pas renvoyé à
Nous avons
donc appris la carence de notre second candidat qu’au moment de partir, alors
qu’il était trop tard pour faire quoi que ce soit. Par chance, Lucas, lui,
avait tenu tout de même à respecter sa parole, sinon, après toute cette
histoire avec
Franck Lucas est bien là ! (au centre) entre Helmbold, Friedrichs et Jansen, Robert
Apres toutes
ces péripéties, en dépit des intempéries, nous avons tout de même découvert
dans le creux d’un après-midi, les plaques indicatrices informant le voyageur
qu’il entrait dans Enkoping. Enfin pensions-nous, les bons moments approchent.
A vrai dire, il pleuvait toujours, mais nous touchions au but et, nous
souvenant des brillantes organisations de Knutstorp, de Malmö, nous nous réconfortions
d’avance en songeant à tout ce qui nous attendait de grand, de bon, de
beau !
Pourtant,
bien qu’assures d’être à Enkoping, nous n’étions, hélas pas au bout de nos
peines. Car il fallait trouver le circuit, qu’aucun signe n’indiquait en ville,
qu’aucun fléchage, aucune affiche, aucune banderole ne matérialisait (non plus
que l’organisation elle-même) à nos regards.
De long en
large, nous rodions donc à travers la ville, guettant le passant susceptible de
nous renseigner, à supposer qu’il parlât cette langue anglaise, moins connue en
Suède qu’on tend à le croire ici ! Une voiture française devait finir par
attirer notre attention et, après une demi-heure de patrouille en ville, nous
fumes diriges vers la piste, vers un chemin étroit, boueux, sinueux, où Lucas
devait le lendemain, laisser l’antenne radio de son véhicule en tribut aux
basses branches de la végétation ambiante !
Pourquoi
diable, d’ailleurs, voulions-nous voir la piste, comme aussi les coureurs
belges ? Pourquoi, puisque aucun entraînement n’était prévu le samedi,
puisque le circuit, encore dépourvu de tous ses aménagements, n’était ni fermé,
ni gardé ?
Rêvions-nous ?
S’agissait-il du Grand Prix de Suède ? Oui, pourtant, mais d’un Grand Prix
dont le niveau, nous devions le vérifier par la suite, pouvait difficilement se
situer, d’un point de vue général, au niveau de nos bonnes épreuves
nationales !
Sivert Ericksson, un des nombreux suédois qui se sont taillés la part du lion
Pas
d’affiches sur les routes, pas de signalisation, des installations embryonnaires,
terriblement insuffisantes en raison du mauvais temps, pas de service d’ordre,
pas de mesure de protection, pas de bureau de la course en ville, personne
pour se soucier des étrangers, dans un pays où la moindre erreur d’appréciation
vous conduit à payer le bifteck-frites 11 Nouveaux Francs et une chambre pour
deux 35 Nouveaux Francs au bas mot !
Nous
n’inventons rien : le club organisateur n’avait évidemment pas la moindre
idée de ce qu’on désigne ailleurs sous le nom de Grand Prix et ce que nous
avons vu, vécu, nous permet encore mieux de comprendre pourquoi les crossmens
suédois sont si ardents à l’idée de courir hors de chez eux !
Gentils,
tous ces gens, bien sûr. Mais ce n’est pas avec cela seulement qu’on fait une
grande épreuve, une épreuve capable de marque d’un bon souvenir le passage
d’un étranger ? Assurément pas !
Toujours est-il
que nous avons rembarqué, que nous avons cherché nos chambres, puis un
restaurant et que, la poche plus légère, l’estomac tout juste garni (pensez
donc à ce prix !) nous sommes allés demander à la nuit l’oubli de nos déceptions.
Source et
photo moto revue n°1393 / RCD