Cooper Web
Interview exclusive

Mais la tempête s'invite...

Grand Prix France 1960 500cc (1/4)

Troisième de la nouvelle série des Grands Prix de France de motocross qui, quittant la capitale en 1958 sont allés redorer leur blason au travers des prestigieuses organisations provinciales de Cassel, puis, Mayenne, l’épreuve de Championnat du Monde 1960 attribuée cette fois ci au motoclub Haut-Saônois, à Vesoul, n’a pas eu à souffrir des brillants antécédents que représentent désormais aux yeux de toute l’Europe motocycliste les éditions antérieures de la grande compétition internationale.

L’on connaît depuis longtemps la qualification du MC Haut Saônois en matière de motocross. Il y a des lustres que ce grand club compte parmi les plus réputés dans le domaine de l’organisation et l’on n’ignore pas qu’il dispose de très puissants moyens financiers, qui lui viennent du grand succès populaire régulièrement obtenu grâce certainement à la grande sportivité dont font preuve les habitants à150 km A la ronde, mais aussi et surtout à une recette qui a fait ses preuves là comme ailleurs : ne jamais tromper, ne jamais décevoir le public.

Un Grand Prix, cependant un Grand Prix tel qu’il s’entend désormais chez nous, ne se suffit pas des ressources habituelles pour atteindre la perfection. Il convient certes de lui consacrer un maximum d’argent et de le préparer avec la plus grande minutie, mais tout étant acquis de ce point de vue il faut encore travailler à créer l’ambiance particulière à une telle épreuve de telle manière qu’elle puisse dégager toute son essence et laisser le souvenir non seulement d’une formidable confrontation entre les meilleurs pilotes mondiaux, mais également d’une manifestation pas comme les autres par ses aspects extra sportifs inusités.

Si vous voulez, y a mariage et mariage, bien que le sacrement soit le même pour tout le monde. Et un Grand Prix par rapport à un cross inter ordinaire, c’est une cérémonie princière en face d’une noce à Nogent !

La manifestation de Vesoul n’a pas déçu, disions-nous plu haut, Mais nous trahirions la vérité si nous écrivions qu’elle a, sous cet angle, atteint les mêmes sommets que celle qui, l’an dernier à Mayenne, s’est inscrite en exemple mondial. Et nous n’en voulons pour preuve que la conversation entendu entre femmes des coureurs lors de la distribution des prix qui, pour ne pas se distinguer des remises de récompenses telles qu’elles ont lieu de semaine en semaine un peu partout, n’a pas ancre dans les esprits le souvenir que laisse normalement une manifestation brillante.

Réussite sportive certaine (nous verrons pourquoi tout à l’heure), le Grand Prix de France 1960 a par ailleurs manqué de « pschitt ». Non pas cependant que les responsables de l’organisation, à la tête desquels il convient tout particulièrement de placer le Président Paquet, animateur infatigable, leader de l’autorité et à la compétence indiscutables, ne se soient préoccupés de donner de l’éclat à une épreuve qu’ils ont tres heureusement préparée sur tos les autres plans, Mais dans le domaine qui nous occupe ici, bien des conditions jouent qui ne peuvent être réunies partout.

Nous regrettions que vous ne fussiez pas allé à Mayenne l’an passé, cher Monsieur Paquet. Nous pensons encore plus aujourd’hui que cela a réellement constitué une faille dans l’édifice des travaux préparatoires de ce Grand Prix de France 1960.

Vous avez lu, sans doute, un rapport détaillé sur ce qui fit de cette compétition une manière d’idéal dans le genre. Mais croyez-nous, un rapport, cela vous restitue des chiffres, des données matérielles, jamais les aspects subtils d’un problème qui n’est pas uniquement affaire de solutions pratiques.

Maintenant, il faut bien le dire, sur les dizaines et les dizaines de grandes épreuves officielles qui se disputent depuis que le cross est réellement devenu réalité européenne, seuls la Suède, l’Angleterre, l’Allemagne Occidentale et l’U.R.S.S ont su nous donner une fois ou l’autre l’idée de ce que peut être dans l’absolu une compétition motocycliste en motocross.

Dans ces pays, ces réussites totales sont par ailleurs aussi exceptionnelles que celle, identique, que nous avons enregistre en 1959 sous les auspices du MC.Mayennois qui, en l’espèce, doit les éléments essentiels de son succès à la personnalité de ses principaux dirigeants.

Jonzac, en 1961, doit pouvoir renouveler l’exploit resté jusque là unique.

C’est du mauvais temps que nous parlons ici, à l’instant de dire pourquoi le Grand Prix de France 1960, à Vesoul, fut une très grande course car, du seul point de vue sportif (qui reste majeur, ne l’oublions pas) l’on ne pourrait que difficilement espérer situations plus extraordinaires.

D’habitudes, au motocross, ou il fait beau, ou il pleut. Cette fois, il fit à la fois un temps de plein étéet un temps de fin Février. En même temps, non bien sûr, mais dans la même après-midi et de telle sorte que pour la première manche du championnat du monde nous eûmes droit à la canicule avec tout ce qu’elle sous entend de poussière dans le cas qui nous occupe, puis, des le début de la seconde manche, nous fumes transportes quelques mois en arrière, le vent se déchainant en tempête, tordant les toiles publicitaires , les parasols, tandis que s’amassaient, dans un ciel devenu noir comme le fond d’une houillère, un énorme nuage de grêle dont les éléments n’allaient pas tarder à bombarder en crépitant le circuit de Frotey-les-Vesoul …et tout son contenu.

Pour rarissime qu’elle soit, une telle circonstance s’est révélée extrêmement payante. Le temps merveilleux, l’extrême chaleur qu’il fit jusque vers 16h30 (dans le public, des femmes retiraient leur corsage ce que, tout de même, nous n’avons pas vu faire tellement souvent à la mi-mai) ne purent que contribuer à la venue des spectateurs et nous donnèrent une première manche physiquement tres dure pour les coureurs égarés dans un épais rideau de poussière, contrariés par des ennuis de carburation, aveugles, étouffés, embarrassés de toutes les manières.

Et la tempête essuyée ensuite (et qui par ailleurs n’a fait fuir personne tant la course tournait tout à coup au drame) nous a montré sans desservir le moins du monde le succès de l’épreuve, ce que peut-être le motocross dans des conditions absolument opposées A celles que nous énumérions à l’instant.

Les hommes en piste, dans cette épique demi-heure, se sont absolument idéalisés aux regards d’une foule qui, à les voir fouettes par l’averse, martyrises par les grêlons, handicapes par le sol soudain devenu glissant, par cette eau noyant les allumages, oubliait elle-même de s’abriter tant le fait que les coureurs, imperturbables, niant la souffrance et la difficulté pussent continuer la lutte, la laissait confondue !

Une quelconque épreuve, bénéficiant de circonstances aussi extraordinaires, eut passé à bon droit pour un événement. Le Grand Prix de France, dans de telles circonstances et réunissant une participation brillante, le Grand Prix de France digne de tous les éloges pour sa préparation directement sportive ne pouvait donc, au bout du compte, que s’élever bien au-dessus des compétitions ordinaires, si belles puissent-elles être.

C’est pourquoi, et bien que pour être juste avec tous, nous ayons dû lui donner une note moyenne du point de vue « standing », l’épreuve française du Championnat du Monde 1960 mérite en définitive que nous lui accordions le tableau d’honneur.

L’on parlait, dans la soirée, de la Médaille des sports pour le si dévoué Président Paquet. Si nous pouvons ajouter un mot à ceux que M.Seery adressa pour la circonstance au préfet de la Haute Saone, nous dirions que la donner à l’animateur si modeste et si méritant du MCHS serait faire justice de ce qui ne peut passer jusqu’ici que pour un oubli !


Source et photo moto revue n°1493 / RCD