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Interview exclusive

Daniel Péan remporte le Grand Prix !

Grand Prix Yougoslavie 1977 250cc
Daniel Péan vainqueur du Grand Prix !*

Notre double Champion de France a réalisé, ce dimanche 5 juin, une performance unique dans les annales de notre motocross. En triomphant de l'armada des pilotes 250cc, toujours plus incisifs, Daniel Péan est en effet devenu le premier Français a monter sur la plus haute marche d'un podium de Grand Prix. Plutôt discret en ce début de saison, tout au moins au niveau mondial, Daniel se présentait en terre yougoslave avec un moral tout neuf. Son pouce blessé, enfin guéri et ses bonnes prestations de Brou et de Gaillefontaine lui ouvraient de nouveaux horizons.


Situé a 60 km de Zagreb, Karlovac avait donc été choisi pour accueillir cette grande famille que forment tous les pilotes internationaux. Un GP 125 cc s'étant déja disputé dans cette cité, nous avions déja une vague idée du circuit que nous allions découvrir. Tout du moins, le pensions-nous. En effet les organisateurs avaient décidé d'abandonner l'ancien terrain au profit d'un nouveau, situé a un tout autre emplacement. Décision risquée, car personne n'avait encore roulé sur cette nouvelle piste. Un examen rapide permis cependant de se rendre compte de la sélectivité du tracé. Moyennement dénivelé, de nombreux passages en devers et des virages serrés le rendaient très technique !


En l'absence de Jean-Jacques Bruno, clavicule démise le dimanche précédent, Michel Ollier complétant la représentation tricolore était venu pour continuer son apprentissage au plus haut niveau. Au rayon étranger, nous notions la présence de deux pilotes hongrois, ainsi que celle d'un coureur vénézuélien : Thomas Goinger dont le séjour en Europe est financé par de nombreux sponsors. Du côté du team officiel CZ, on avait amené un nouveau pilote de 19 ans, Macourek. On commence a préparer l'après Falta. Dès que les pilotes prirent possession de la piste, il fut presque impossible de les distinguer. Une épaisse poussière recouvrait en effet une grande partie du circuit.


Les pilotes allaient-ils tolérer la chose ? Non, car sitôt les essais terminés, ils se rendirent tous a la direction de la course afin d'y discuter du problème d'arrosage, ainsi que d'une modification de la ligne droite de départ. Si les organisateurs acceptèrent de mettre en place une déviation lors de chaque envolée, par contre ils refusèrent de répandre de l'eau sur la piste. Les pilotes essayèrent de les faire revenir sur leur décision, mais en vain. D'un commun accord, managers et coureurs décidèrent de ne pas courir le lendemain, si on ne donnait pas suite a leur requête. que se passa-t-il pendant la nuit ? Celle-ci porta-t-elle conseil ? Nul ne le sait, mais toujours est-il que la piste se trouva parfaitement arrosée pour les essais officiels.


Au terme des essais chronométrés, Falta réalisait le meilleur temps devant Hansen et Malherbe. Pour son retour parmi l'élite, Péan s'était vu crédité du 7è meilleur temps. Bien en selle sur sa Maico, tournant dans son style souple et énergique, Daniel paraissait avoir retrouvé la cadence Grand Prix. De quoi lui redonner le moral ! D'ailleurs, sa décontraction dans le parc ne trompait pas, on sentait bien qu'il avait retrouvé la plénitude de ses moyens. La suite des événements allait nous en apporter une preuve éclatante.


Après une fort belle présentation des pilotes, agrémentée d'un lâcher de parachutistes, trente et une motos vinrent se placer derrière la grille. Réussissant un fantastique premier départ, Daniel se portait d'emblée en tête de l'imposant peloton.Daniel est en tête !Au premier virage, il vire en premier encadré par Ovchinnikov et Boven. Dans la descente qui vient aussitôt après, il précède toujours l'imposante meute lancée a sa poursuite.La meute des pilotes est derrière Daniel.Devant lui la piste est libre, il peut donc choisir la meilleure trajectoire possible. Ce n'est pas le cas des autres pilotes enfermés au coeur du peloton. Moiseev, qui vient de chuter dans le premier virage, sait déja qu'il ne pourra plus revenir sur les hommes de tête. De même qu'Ovchinnikov et Suzuki qui se sont accrochés un peu plus loin. Maintenant les pilotes se trouvent dans la partie cachée du circuit, tous les yeux sont fixés sur ce premier virage par où ils vont bientôt réapparaitre. Voila l'homme de tête, mais c'est Péan ! Derrière, personne. Dès la première boucle, il a déja creusé le trou, ses poursuivants comptent alors huit secondes de retard. Dans l'ordre suivent, Boven, Mingels, Baborovsky, Falta. A l'arrivée, il nous déclara qu'il avait été surpris de posséder ainsi une telle avance. il avait alors songé a un faux départ. Magnifique d'aisance, il nous offre une magnifique démonstration de pilotage. Jamais en catastrophe, il place la moto où il veut. au deuxième tour, son avance est toujours la même. Et pourtant derrière on ne s'amuse pas. Hansen, qui vient de chuter passe au ralenti et rentre au parc. Que cela lui arrive souvent ! Après 10 minutes de course, les positions s'établissent ainsi. En tête, toujours Daniel qui poursuit son cavalier seul. Il précède Boven, Baborovsky, Mingels, Malherbe. Ollier se trouve a la 21è place. Maisch qui a également chuté, rentre au parc. La petite colonie française, qui se limite au père de Daniel et a votre serviteur, commencent a entrevoir l'exploit. A chaque passage, nous avons les yeux rivés sur le chrono. L'écart se stabilise toujours autour des 8 secondes. Chaque fois qu'il passe devant nous, on peut voir Daniel qui rit derrière sa mentonnière transparente. Il semble tout heureux du bon tour qu'il vient de jouer aux ténors de la catégorie. Pendant plus de 20 minutes, il allait résister au retour de la meute lancée a ses trousses. Bientôt une menace commence a se faire sentir, Baborovsky, passé deuxième, se rapproche a une vitesse folle.Antonin Baborovsky remonte !Littéralement déchaîné, maltraitant sa mécanique au possible, il revient sur Daniel. Averti du danger, celui-ci accélère la cadence, mais un mois sans rouler en GP, c'est long. Inexorablement, le Tchèque revient dans la roue de la Maïco. A mi-course, ils sont presque ensemble. Baborovsky réussit a passer Daniel, qui cependant ne désarme pas.


Derrière ces deux hommes, on trouve alors en pleine bagarre Mingels, Boven et Hudson, Kavinov les talonne a quelques mètres. Malherbe qui a serré, s'est vu contraint a l'abandon, de même que Falta. Ollier continue quant a lui, une course régulière vers la 20è place. Daniel, qui n'avait pas encore perdu tout espoir de repasser le Tchèque doit cependant le laisser filer. Ayant calé son moteur, il perd quelques secondes qui permettent au pilote CZ de creuser un léger avantage. Va t-on assister en fin de course a l'effondrement du pilote Maïco ? Non, car parfaitement maître de ses nerfs et disposant encore de ressources, Péan va résister au forcing de l'officiel Montesa. Mieux dans les deux dernières boucles, il parviendra même a recreuser l'écart avec le pilote belge. Après 40 minutes de course, il fallait encore pouvoir le faire ! Une autre lutte a également animé cette fin de manche, la fantastique bagarre Hudson-Boven-Everts pour les 5,6 et 7èmes places. Le petit soviétique Kavinov avait en effet réussi a s'emparer de la 4è position a 5 tours de la fin. Finalement, l'étonnant pilote anglais réussira a précéder l'officiel Bultaco, ce dernier terminant devant l'officiel Montesa. Auteurs de très beaux retours après leurs chutes du départ, Suzuki et Moiseev viendront finalement prendre respectivement les points des 8è et 9è places. Dieffenbach, marquant quant a lui son deuxième point de la saison. Ollier, auteur d'une course très régulière prendra la 20è place. Mais il était plus intéressé a tenter de suivre la course de son ami Daniel qu'a soigner son propre résultat.


Vraiment fantastique la performance réalisée par notre Champion de France 250cc ! Une fois encore, il a fait ce qu'aucun de nos compatriotes n'avait jamais réussi a obtenir. Une deuxième place dans une manche d'un GP et de plus obtenue de la manière que nous savons, en étant resté 23 minutes au commandement de la course. Encore bravo ! Mais Daniel n'eut tellement pas le temps de s'appesantir sur sa performance, déja, il lui fallait songer a la seconde manche. Et pendant que ses adversaires se reposaient, il travaillait sur la moto en compagnie de son père. Drôle de repos en vérité ! Voila qui donne encore plus de valeur a sa performance, les autres pilotes n'ont en effet jamais a se soucier de leurs machines. Eternelle histoire du pot de fer contre le pot de terre. Daniel, ne put même pas méditer la-dessus, car déja approchait l'heure du second départ. Pour la première fois, un pilote français était en mesure de remporter un Grand Prix. Cette fois encore, Daniel est un des premiers a s'extraire du peloton. Au premier virage, il vire dans la roue d'Ovchinnikov. Lorsque les pilotes disparaissent de notre vue, il est deuxième, mais, calant dans un virage, il perdra quelques places. Baborovsky a chuté quelques mètres après la grille de départ. Lorsqu'il remonte en selle, il y a 50 secondes que les premiers sont partis. Au premier passage, nous pointons dans l'ordre Ovchinnikov, Everts, Péan, Malherbe, Moiseev. Mingels s'arrête quelques instants devant son mécanicien pour faire redresser son sélecteur.Jean-Paul Mingels, beau troisième en première manche, mais malheureux en seconde.A ce moment précis, Daniel est le virtuel vainqueur du GP !Daniel vole sur ce Grand Prix !Mais la course ne fait que commencer ! En tête Ovchinnikov a fait le trou. Au 4ème passage, Malherbe passe Daniel, Baborovsky fantastique d'aisance et de puissance a déja recollé la fin du peloton, son forcing ne fait que commencer. A mi-course, Moiseev qui s'est débarrassé d'Everts, revient sur son compatriote. comme on pouvait s'y attendre, le manager soviétique ordonne aussitôt a Ovchinnikov de ralentir et de laisser passer Moiseev. Aussi en ligne droite assiste-t-on a ce scénario bien connu : Ovchinnikov coupe les gaz et invite Moiseev a prendre la tête. Le public yougoslave est médusé ! Pendant ce temps, les positions n'évoluent guère. Everts est toujours 3è talonné par Malherbe, puis viennent Péan, Boven, Maisch, et Hansen. Ces quatre hommes n'étant séparé que par quelques mètres. Bientôt, Boven va d'ailleurs disparaître, poignée de gaz bloquée. Baborovsky qui continue son formidable forcing est maintenant en 14è position, rien ne lui résiste. Sans arrêt, il double de nouveaux concurrents. A la 30è minute Ovchinnikov passe seul en tête, Moiseev n'est plus la. L'ex-champion du Monde, qui a chuté, est maintenant en 6è position juste devant Daniel. Géné par un autre concurrent, il a dù en effet laisser passer Maisch et Hansen. Après un mois d'inactivité, il est normal d'avoir perdu un peu la cadence.


Et de plus, parfaitement renseigné par son père, Daniel sait qu'en restant a cette place, il remporte le GP. Cela serait vraiment bête de perdre la victoire finale a cause d'une chute. C'est en cela qu'on reconnait un grand pilote. Lentement on s'achemine vers la fin de la course et vers l'exploit qui commence de plus en plus a prendre forme. A l'annonce des deux derniers tours, Ovchinnikov ne peut plus être inquiété pour la victoire de manche. En deuxième position, on trouve maintenant Malherbe qui a réussi a prendre l'avantage sur Everts. Ce dernier va d'ailleurs faiblir considérablement en ces dernières minutes de course. Il se fera en effet passer par Maisch et Hansen. Daniel qui est en mesure de sauter Moiseev, ne prend pas de risques inutiles, Baborovsly n'étant remonté qu'a la dixième place, les deux hommes sont donc a égalité de points, mais le chrono est favorable au pilote Maïco. En franchissant la ligne vainqueur, Ovchinnikov réalise ainsi sa meilleure performance de la saison. Après un début de saison timide, ses performances ne font que s'améliorer de GP en GP. Malherbe prend une belle deuxième place devant Maisch et Hansen. Viennent ensuite Everts, Moiseev et Péan. Au terme de sa fantastique remontée, Baborovsky est venu prendre la 10è place.


Il ne reste plus qu'a attendre les résultats officiels mais cela ne fait maintenant plus de doute, Péan remporte le classement général. Ce dernier est content, mais il dissimule encore sa joie. On ne sait jamais ! Dans le parc, cela ne fait plus de doute, chacun vient féliciter Daniel de sa victoire. Ne prenant même pas le temps de se changer, Daniel se dirige vers le podium.Daniel se dirige vers le podium avec son père.Il n'ose pas encore y croire. Le speaker annonce les résultats officiels. Premier et vainqueur du Grand Prix de Yougoslavie : Daniel Péan. A égalité de points avec le Tchèque Baborovsky, il y a cependant 27 secondes de mieux pour le pilote français. Alors son visage reflète une profonde joie, il vient de réaliser son rêve : remporter un Grand Prix. Baborovsky et Ovchinnikov le félicitent. Devant lui son père, Michel Ollier et votre serviteur sont aussi heureux que lui. A 18h15 exactement, les premières notes d'une vibrante Marseillaise retentissaient dans le ciel de Karlovac. Devant nous entouré par un pilote tchèque, Antonin Baborovsky et un Soviétique, Anatoly Ovtchinnikov, un homme se tenait immobile, une couronne de lauriers autour du cou. Pour la première fois, on entend la Marseillaise dans une épreuve de championnat du monde. Bras levés au ciel, il a alors laisser éclater sa joie.Daniel heureux sur le podium.Habitué aux victoires, son visage rayonnait cependant, plus qu'a l'habitude. Daniel Péan savourait les joies d'une victoire inespérée mais parfaitement méritée. Il convient en effet de préciser qu'aucun des ténors de la catégorie n'a abandonné. Que ce soit Moiseev, Kavinov, Maisch ou Hansen, ils ont terminé derrière. Daniel était vraiment très fort ! Par cette magnifique performance, il vient a nouveau de prouver quel pilote il est. Assurément un grand champion ! Merci pour la joie que tu as procuré a tous ceux qui n'ont jamais cessé de croire en toi.


Une grande journée s'achève mais déja Daniel ne parle plus que du prochain GP, en Allemagne. La, devant les dirigeants de l'usine Maïco, il va tenter de faire aussi bien. Et avec la formidable course qu'il a réalisée ce jour, tous les espoirs lui sont désormais permis. Encore bravo !Une publicité Maïco.


D.Péan : " J'étais venu un peu pour voir, pour ne pas perdre la main avant le championnat de France. En fait, le GP a bien failli ne pas avoir lieu car le samedi, il y avait une poussière pire encore qu'a Niort l'an dernier. De nombreux pilotes ont menacé de ne pas courir. Alors les organisateurs ont véritablement noyé le circuit pendant la nuit. Résultat, le matin nous avons fait les essais dans un vrai bourbier. Avec ma Maico, j'ai tout de suite trouvé la bonne cadence, mais je ne pensais pas partir en tête !"


Michel Ollier a connu quant a lui des fortunes bien diverses. Il a cependant eu le mérite de terminer chaque manche en 20è et 18è position. A lui de suivre maintenant les glorieuses traces de son ami Daniel.


Daniel Péan, premier !**

Voici le classement général :
1) Péan.D (F - Maïco) : 2-7
2) Baborovsky.A (TCH - CZ) : 1-10
3) Ovchinnikov.A (URS - KTM) : X-1
4) Malherbe.A (B - KTM) : X-2
5) Everts.H (B - Bultaco) : 6-5
6) Kavinov.V (URS - KTM) : 4-8
7) Maisch.H (D - Maïco) : X-3
8) Mingels.JP (B - Montesa) : 3-X
9) Hansen.T (S - Kawasaki) : X-4
10) Moiseev.G (URS - KTM) : 9-6
11) Hudson.N (GB - Maïco) : 5-X
12) Boven.R (B - Montesa) : 7-X
13) Suzuki.T (J - Suzuki) : 8-X
14) Dieffenbach.R (D - Kramer) : 10-9
Source et photos : France Moto num 107, Les cahiers du cross num 7 / P.Boulland, * A.Martinez et ** British Pathé.