Bien avant le départ de la 10ème étape du championnat du monde de motocross des 250cc, les principales rues et les boulevards de Leningrad ont été placardées par les nombreuses affiches qui appelaient les habitants à se rendre à Yukki le 24 juin, où devait se rencontrer les meilleurs pilotes du monde.
Deux jours avant la compétition, dans les rues de la ville, sont apparues des voitures avec des plaques d'immatriculation étrangères. Elles tractaient des remorques légères avec des motos. C'était l'arrivée des participants du championnat. Parmi eux, se trouvaient les leaders anglais Jeff Smith et Arthur Lampkin et le Suédois Torsten Hallman, puis un nombre important de pilotes déjà très connus des habitants de Leningrad en raison de leurs participations précédentes : Vlastimil Valek et son compatriote ex-champion d'Europe, Jaromir Cizek et des crossmen autrichiens, bulgares, hongrois, allemands (RDA), hollandais, polonais, roumains, finlandais. Cette année, pour la première fois, des pilotes soviétiques ont participé au championnat : Igor Grigoriev, Andrei Dezhinov et Sergei Kadushkin.
Et voilà le jour, qu'attendaient avec impatience les fans, est arrivé. Très tôt dès le matin et ce malgré les caprices de l'été de Leningrad, une avalanche de fans de motocross a déferlé ! Et pas seulement de Leningrad ! Des passionnés sont arrivés aussi d'Estonie et de Lituanie vers Yukki. Bien avant le début des courses, plus de 150 000 spectateurs s'étaient installés sur les pittoresques collines, qui ressemblaient aux tribuns d'un énorme stade naturel. Ce chiffre est le record d'affluence à Yukki.
Que de spectateurs !Dans le parc coureurs, formé de tentes et décoré des drapeaux des différentes nationalités, il y avait de l'effervescence en attendant la lutte qui s'annonçait. Le jury vérifiait méticuleusement les motos, les mécaniciens sous leurs casquettes au nom des marques et des moto-clubs patientaient et les pilotes regardaient et analysaient pour la dernière fois le circuit.
Ah les collines de Yukki ! La ligne des drapeaux, soit montait sur le sommet des collines, soit disparaissait dans les plaines, montrant ainsi le parcours aux coureurs. Ce circuit est difficile, mais en même temps, cela rendra la lutte plus intéressante et la victoire en sera d'autant plus honorable.
A 13h30, sous les notes de l'hymne national, le champion d'URSS et maître des sports, Andrei Dezhinov souleva le drapeau de l'Union Soviétique, signifiant l'ouverture de ce 10è Grand Prix de la saison. Au pied de la colline, les juges ont tendu le ruban en papier sur les bâtons définissant la ligne de départ. 39 pilotes parmi les meilleurs crossmen du monde attendent le signal du départ. Et voilà, le starter mécanique s'est levé, la voie est libre ! En avant ! Les moteurs ont rugi follement, les gerbes de boue ont volé au dessus des roues et la première montée s'est recouverte de fumée. Il faut que dans cette masse serrée de machines sur la piste, chacun trouve son chemin ! Vers le haut, vers le bas, premier virage, deuxième virage, soit sur une roue en soulevant sa machine, soit en volant dans les airs à 8-10 mètres au-dessus du sol, peu importe.
4 tours ont passé. En première position se trouve Torsten Hallman sur Husqvarna, fermement installé. Derrière lui, suivent les Anglais J.Smith et A.Lampkin, les Tchèques K.Pilar et V.Valek. Le sixième, est notre champion national, S.Kadushkin sur ESO. Le rythme de la course est exceptionnellement élevé. Le tour du circuit de 2,6 km de longueur est parcouru par les pilotes à la vitesse moyenne de 50 km/h, le tout sur un circuit tout terrain, avec des dépassement incessants, des montées, des sauts comme sur un trampoline ! Il faut maîtriser de façon magistrale sa technique de pilotage pour supporter une telle course pendant 12 tours. Ces pilotes réussirent à le faire, puisqu'ils ont terminé dans cet ordre à la fin de la première manche. Nos pilotes ont connu des fortunes diverses. N.Sokolov, occupé à gérer les problèmes mécaniques de son ESO, a réussi à démarrer sa moto seulement lorsque les leaders terminaient leur premier tour. I.Grigoriev a rapidement abandonné après le départ, suite à un problème avec sa roue arrière. R.Resetniks a passé la ligne d'arrivée en douzième position, 2 places devant A.Dezhinov.
Pendant l'entracte, se sont déroulées les épreuves des 125cc et 175cc. Après une lutte serrée, les vainqueurs furent les jeunes V.Arbekov et Y.Romanov. La relève arrive pour nos champions internationaux !
Le jeune Youri Romanov.La deuxième manche allait être décisive. Les nerfs des coureurs étaient tendus jusqu'à la limite ! Par trois fois, ils se sont précipités jusqu'au sommet de la montée sans attendre le signal de départ et se sont fait arrêter par le drapeau rouge pour retourner au départ. Lorsque que furent enfin respectées les consignes, les coureurs purent partir. Même la pluie épaisse n'a pas réussi à ralentir l'ardeur des pilotes. Dès le début de course V.Valek se trouvait en tête, immédiatement suivi dans sa roue par le vainqueur de la première manche, T.Hallman. Une erreur de V.Valek et le Suédois prit tout de suite les commandes. En 3è position, se trouvait K.Pilar, puis A.Lampkin et J.Smith. I.Grigoriev, parti aux alentours de la 30è place, s'efforçait de rattraper son retard. Au fur et à mesure que la course avançait, V.Valek perdait une place au profit de chacun de ses poursuivants, pour se retrouver 5è. Et la suite fut " comme si on avait regardé une 2è fois un film connu " titrait un journal de Leningrad. En effet, T.Hallman remporta la 2è manche devant les mêmes pilotes jusqu'à la 5è place. La performance à souligner est la 6è place d'I.Grigoriev, dont la Kovrovets a relativement bien réussi son défi, ce qui, à notre avis témoigne des premiers succès de nos constructeurs dans la fabrication des modèles de cross. S.Kadushkin termine 8è, c qui lui permet d'assurer la 6è place du Grand Prix.
Voici le classement du Grand Prix :
1) Hallman.T (S - Husqvarna)
2) Smith.J (GB - BSA)
3) Lampkin.A (GB - BSA)
4) Pilar.K (TCH - CZ)
5) Valek.V (TCH - CZ)
6) Kadhuskin.S (URSS - ESO)
Grâce à cette victoire, l'étudiant à l'Ecole Supérieure Technique de Stockholm revient à 16 points de J.Smith au classement général
Pour l'instant, nos pilotes n'ont pas encore réussi à remporter un Grand Prix. Quelle en est la cause ? Tout d'abord, les meilleurs pilotes étrangers sont pour l'instant plus forts que nos sportifs. Parmi leurs points forts, on peut citer leur capacité à franchir les pentes, les sauts tout en maintenant un rythme élevé. Ils sont techniques et souples. Parfois, les obstacles ne sont pas nécessairement franchis debout, mais assis sur la selle et les pilotes se relèvement légèrement. A la réception des sauts, les pilotes n'atterrissent pas sur la roue arrière, souvent ils se retrouvent sur les deux roues. Tous en suivant le premier, maintiennent une vitesse élevée. Ensuite, les motos des meilleures marques étrangères sont équipées de moteur avec un meilleur couple, les cadres sont plus rigides et possèdent un excellent système de freinage. La cause principale, selon nous, se trouve dans le manque d'une qualité que l'on retrouve en athlétisme : l'endurance. Enfin, la préparation mentale de nos coureurs, issue de la pratique des compétitions nationales, est basée sur la mobilisation de toutes les forces uniquement sur les passages les plus difficiles et dangereux de la course. Ce qui est naturellement suivi par des moments de relâchement. Lors de chaque Grand Prix, les courses sont très serrées et se déroulent dans un rythme si rapide, que l'on ne peut pas se permettre une pause, même sur une partie plus facile du circuit.
Une partie du circuit difficile à franchir.Nos coureurs, malgré l'attitude volontaire, n'étaient pas préparés pour cela, non pas qu'ils se soient mal entrainés. Étonnamment, ils ont obtenu leurs meilleurs résultats au championnat du monde sur des circuits plus difficiles et sablonneuses en Pologne ou aux Pays-Bas, qui exigent énormément de tension physique te technique. Mais il faut répéter que les qualités nécessaires pour une longue lutte au cours d'un rythme soutenu, sont chez eux faiblement développés et de ce fait, ils perdent la plupart des duels. Visiblement, la cause de tout cela se trouve dans la pratique dans notre championnat et dans les conditions d'entrainement et de préparation aux compétitions. Il faut dire que dans ce domaine, nous y allons encore "à tâtons" et nous n'avons pas développé un programme spécifique.
Pour arriver aux résultats sérieux dans le championnat du monde, nous ne devons pas seulement étudier soigneusement et bien comprendre l'expérience des meilleurs champions étrangers réfléchir en profondeur sur nos manquements, mais aussi réfléchir en profondeur sur nos manquements et apporter à l'entrainement une solide base théorique, laquelle nous permettra de choisir raisonnablement la meilleure option de préparation de os sportifs en fonction de chaque événement précis. Evidemment, les jeunes pilotes, les plus forts devraient être impliqués d'avantage dans les camps d'entrainement de la jeunesse parce qu'ils sont plus perspicaces pour assimiler les nouveautés que les adultes, ce que les coureurs avouent eux-mêmes. Ils n'arrivent pas à compenser pleinement les inégalités dans "l'éducation sportive", ils sont gênés par les principes et les habitudes obsolètes. Il est nécessaire d'organiser des compétitions du championnat des républiques d'URSS dont le niveau répondrait aux exigences du championnat du monde.
En ce qui concerne la partie du matériel, il faut au plus vite s'en inquiéter, afin de surmonter les manquements essentiels dans la construction de la moto K-250, laquelle avec de bonnes qualités dynamiques, une bonne stabilité du châssis, n'est pas encore suffisamment fiable.
Si on applique à cette tache de manière responsable, réfléchie et en même temps avec la volonté de résoudre les problèmes, alors on pourra escompter que la situation changera de manière radicale dès l'année prochaine. Nos sportifs apporterons la joie à la mère Patrie avec de nombreuses victoires sur les circuits des compétitions dans le monde.
Le Grand Prix d'URSS est terminé, les coureurs sont rentrés chez eux, les collines pittoresques de Yukki sont restés vides. Les passions des pilotes et des nombreux spectateurs se sont calmées. Après la compétition notre correspondant a discuté avec les présidents des délégations sportives de RDA, d'Angleterre et de Tchécoslovaquie.
Horst Schwertfeger, président de la délégation de la RDA et mécanicien : le motocross de Léningrad s'est déroulé sur une excellente piste. Nos coureurs ont tiré un grand bénéfice de cette épreuve. Ils ont fait la connaissance avec des pilotes de différents pays et on acquis une riche expérience. Je suis satisfait des résultats des pilotes allemands. Ce qui m'a impressionné, c'est hospitalité du peuple soviétique. Les spectateurs ont suivi attentivement les rebondissements de la lutte sportive et ont accueilli amicalement les vainqueurs de cette étape difficile du championnat.
Le nom d'Harold Taylor est bien connu parmi les amoureux du motocross en Angleterre. Il est membre de la commission sportive de la Fédération Internationale de Motocross et l'un des dirigeants de l'Union Motocycliste Britannique. " C'était ma première venue en Union Soviétique et je dois dire que les journées passées ici ont laissé chez moi, un souvenir inoubliable. J'apprécie beaucoup tout ce qu'a fait la Fédération du Sport de la Moto d'URSS, pour que notre séjour soit ici le plus agréable possible. Mais, avant tout, j'ai retenu l'ambiance amicale, qui, dès le départ s'est créé entre les représentants d'Angleterre et les sportifs de l'URSS. J'ai fait toutes les étapes du championnat du monde et j'ai vu que, quand un pays organise son premier Grand Prix, il rencontre plusieurs difficultés A l'honneur des organisateurs soviétiques, je dois dire que la compétition a été préparée brillamment. Le choix du circuit à proximité de Leningrad était le choix idéal, le meilleur. Il présentait parfaitement les multiples possibilités à tous les coureurs et répondait à toutes les exigences pour réaliser une compétition internationale. Je peux dire avec la conviction qu'elle était l'une des meilleures que j'ai eu l'occasion de voir tout au long de ma carrière sportive. J'ai été impressionné par les habitants de Leningrad. Dans aucun pays je n'ai vu un tel nombre de sympathisants du sport moto. Concernant les pilotes, je dois dire que J.Smith et A.Lampkin ont rempli leur mission. Quant à vos pilotes, j'ai l'impression qu'ils auraient pu obtenir davantage de réussite. Ils ont pour cela largement le niveau. Leur manquement se trouve dans le fait, qu'ils se tiennent d'une manière trop rigide sur la moto ou plutôt trop ferme sur tout le parcours. Ils devraient participer davantage aux compétitions, s'entrainer davantage sur les circuits les plus difficiles."
Enfin Vladimir Langer, l'un des organisateurs du sport moto en Tchécoslovaquie, a séjourné chez nous à de nombreuses reprises en tant que président des délégations sportives et membres du jury. "Les coureurs tchèques arrivent en Union Soviétique, comme chez eux. Ici les supporters sont extraordinaires, ils soutiennent nos coureurs, les encouragent tout au long du circuit. Nous avons ressenti tout cela très fort lors de la compétition à Yukki. En analysant les résultats de cette compétition, il faut remarquer l'amélioration de la maîtrise de vos pilotes et en premier lieu celle d'I.Grigoriev et de S.Kadushkin, qui couraient sur des motos tchèques, des ESO. Le plus célèbre représentant de notre motocross tchèque, J.Cizek a obtenu seulement la septième place. Les jeunes coureurs K.Pilar et V.Valek, qui roulaient sur des CZ se sont classés respectivement quatrième et cinquième. Je suis content de leur résultat, bien qu'on pouvait espérer mieux. Il est gratifiant que l'arène du championnat du monde a fait apparaitre des coureurs de la RDA. Le pilote allemand P.Friedrichs a participé à cette course de Leningrad et a montré de nombreuses qualités. Il a rivalisé avec succès avec les meilleurs concurrents des autres pays."Source : Za Ruliom