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Interview exclusive

Fin du duel Arbekov-Robert

Grand Prix France 1965 250cc (3/3)

Cette fois, nous sommes placés bien à l’avance au bon endroit, car le second départ va revêtir une importance capitale : Robert et Arbekov sont si près l’un de l’autre que la décision finale peut ne tenir qu’à un start. Il y a quelques abandons, dont ceux de Valek et Dobry, les officiels Jawa. Chez les Français, tout le monde repart : Cervone a ressoudé son guidon, Gilles Portal a vérifié sa chaîne !

Dans le grand virage à gauche, la situation apparait imprécise, Robert et Arbekov surgissent en mauvais position, se dégagent, passent en avant et c’est le Soviétique qui monte le premier la petite butte, s’assurant quelques mètres d’avance sur le Champion du Monde avant de plonger littéralement dans le grand trou.

Cela va vite, très vite (20 tours seront effectués dans chaque manche, alors que, dans les mêmes conditions, les concurrents du Grand Prix de France 500cc n’en avaient fait que 18 en 1963 !). Derrière Arbekov et Robert, Bickers est à nouveau troisième, devant Clough, Hallman, Dezhinov, Marcel Wiertz, Draugs revenu déjà de fort loin, le vaillant et si brillant petit Espagnol Pedro Pi, Blomqvist, Pilar, Anderssen, Jonsson attardé, l’autre Norvégien Johnanessen, l’Allemand Otto Walz et notre Champion de France Clérici. Les autres Français sont alors vingt-deuxième (Pilati), vingt-troisième (Gilles Portal), vingt-quatrième (Sauton), vingt-sixième (Denis Portal) et vingt-septième (Cervone). Storm figure parmi les « bons » attardés (vingt et unième), juste derrière Yakovlev et sa « Kovrovets » soviétique.

Trois tours passent. Arbekov augmente peu à peu son avance, qui reste encore du domaine du rattrapable mais qu’attends donc Robert ? Hallman attaque Clough et lui prend la quatrième place, tandis que Jonsson passe de son côté sept adversaires en si peu de temps !

Pilar aussi remonte, devant Blomqvist. Et Yakovlev emmène sa 250cc soviétique (née de la DKV et, aujourd’hui pourvu d’une fourche et d’un embrayage CZ) de la vingtième à la quatorzième place. Et les français ne s’endorment pas tous : Gilles Portal, initialement vingt-troisième, domine 6 adversaires et passe même Clérici. Pilati et Cervone commence pareillement à refaire du terrain.


Gilles Portal


Au sixième tour, après Storm et quelques moindres valeurs, Bickers s’arrête et abandonne : ennuis avec sa tubulure d’alimentation (sûr les vibrations !). Clough en profite pour le remplacer à la troisième place, derrière Arbekov qui augmente toujours son avance et Robert qui, quoique tournant également très en avant du restant, ne réagit pas devant la fuite du Soviétique !

Et, à son tour, Alan Clough casse. Griffiths n’étant pas reparti, ni Bickers qui pouvait réparer, il n’y a plus aucun officiel Greeves en piste !

On parvient à la mi-course : Arbekov a fait le trou et s’en va vers la victoire tournant avec une rapidité folle, faisant frémir les spectateurs qui n’en croient pas leurs yeux ! Joël Robert parait résigner à demeurer second. Il va vite lui aussi, vire en un style impressionnant mais perd du temps sur le leader à chaque tour !

Aucun autre concurrent n’est dans la course. Le troisième, Hallman, est déjà surclassé et semble plutôt mener une autre épreuve, devant Draugs, Pilar, Blomqvist, Jonsson, andersson, Wiertz, tous en bagarre entre eux. Enfin, une troisième course se déroule en arrière, avec Yakovlev, Walz, Pi, Dezhinov, notre merveilleux Pilati remonté de huit places en deux tours, Sanchez, Denis Portal très remonté lui aussi, Bulto, Cervone qui revient également fort, Clérici, lui a reculé, comme Gilles Portal.

Pour Victor Arbekov, la cause est entendue : il va trop vite et son avance augmentera jusqu’àl’arrivée qu’il passera en triomphateur. Joël Robert, second, gardera cette place et terminera avec 25,5’’ de retard sur le Soviétique (rien à faire, nous dit-il plus tard, il était plus fort que moi et, souffrant des mains après la première manche, je n’ai pas pu suivre le rythme qu’il imposait).

Par contre pour les autres, la seconde partie de la course détermine encore des changements. Draugs, terminant fort, s’assure la troisième place, entraînant avec lui Pilar et Blomqvist qui relèguent Hallman derrière eux. Yakovlev ayant refait treize places en tout, s’assure la septième position devant Andersen, Walz, Dezhinov qui a rejoint le second groupe où figure encore Jonsson et Pilati, revenu en tout de dix places (il faut le faire), dans une telle course !).


Otto Walz


Enfin dans le troisième groupe, les Espagnols ont pris l’avantage avec dans l’ordre Sanchez, Bulto, Pi devant Clérici très combattif sur la fin, Johannessen, Moeller, Cervone qui a refait huit places.

Avec deux des trois Grand-Prix courus à son actif, avec sa démonstration de Saint-Quentin, Arbekov nous amène à nous poser cette question : son foudroyant début dans le Championnat du Monde 1965 est-il dû, pour une part, au fait que Joël Robert n’a pas encore retrouvé la fantastique cadence qu’il a soutenue en 1964…ou bien l’as moscovite a-t-il surpassé cette cadence et, après le prodige belge, nous apporte-t-il le super-prodige soviétique ?

Certes, après trois Grands Prix (sur 15 au total) rien n’est dit. Mais néanmoins, nous pencherions vers la seconde hypothèse. Arbekov a 23 ans, n’a derrière lui que trois années de pratique et ce n’est guère que depuis 18 mois qu’il s’est fait connaître sur le plan international. Son rythme, son style traduisent donc un champion-né, un phénomène comme Joël Robert en est un par ailleurs.

Seulement, pour Arbekov, les conditions ne sont pas les mêmes. Il est soviétique, c’est un service patriotique qu’il accomplit en tentant de remporter le premier titre mondial qui ira peut-être en Union Soviétique du point de vue motocycliste. Et vous pouvez nous en croire, ce ressort-là est, pour Arbekov, un fameux facteur de volonté dans le désir de vaincre !

Joël Robert, bien sûr, n’a pas dit son dernier mot. Il peut encore assurer ses chances de conserver son titre mondial mais, ce qui nous parait moins évident, c’est qu’il puisse en tout cas parvenir à ce résultat d’ici juillet, pour ensuite tenter comme prévu cet hiver de remporter le titre mondial en 500cc, accomplissant ainsi un exploit unique dans l’histoire du motocross. Victor Arbekov ou Joël Robert ? Ou encore Arbekov en 250cc et Robert en 500cc ? Toujours des hypothèses, mais qui, de toute manière, assureraient la suprématie de CZ sur toutes les autres marques sportives ! Il faut attendre quelques Grands Prix de plus pour vérifier cela !

Pour une fois, nous ne sommes pas rentrés d’un Grand Prix de France avec, au cœur, la déception habituelle d’y avoir vu la France totalement ridiculisée. Nous devons cela au jeune Marseillais Johnny Pilati qui a obtenu un classement parfaitement enviable et, en plus encore, a lutté très joliment avec des adversaires expérimentés pour parvenir à ce résultat flatteur.

Il faut continuer, Johnny, il faut faire maintenant beaucoup de courses dures et, dès 1966 essayer quelques Grands Prix à l’étranger. Ce ne sera pas du temps perdu ! Clérici, certes, nous a un peu déçus. Reconnaissons toutefois que, montant une Bultaco en place de son habituelle HVA, il ne s’est pas trouvé à l’aise. Mais pourquoi, justement changer de marque à l’occasion d’une épreuve aussi importante ?


Un aspect du duel Clerici-Bulto


Gilles Portal, Cervone sont encore à retenir. Ils ont eu des malheurs, ils ont tout à apprendre mais ils sont jeunes et prometteurs. Eux aussi devraient travailler leur métier dans les grandes épreuves. Denis Portal s’est sans doute ressenti de son accident de Cognac, la semaine précédente. Il est difficile de le juger sur cette course mais sans doute doit-il encore beaucoup travailler. Quant à Sauton, il a cassé à l’entrainement, dans la course encore mais a fait tout son possible pour terminer courageusement.

Voici le classement :




Source et photos Moto Revue n°1738 RCD