Pierre Jolliet (PJ) : C'est un peu spécial. Ayant perdu mon père à 13 ans, je n'avais plus le droit de me distraire dans les bals du coin. Un ami m'a dit : "tu devrais venir voir, y a un truc extra avec des motos, y a des trous, les pilotes sont formidables !". C'était en 1953 à Chizé dans les Deux-Sèvres. Le circuit était à moitié en ville, à côté des remparts et du château. Il passait dans les rues du village. Le lendemain de la course, j'étais dans les fossés avec mon vélo en train d'essayer de faire comme les pilotes !
Quand eut lieu votre première course ?
PJ : en juillet 1957 à Mougon. C'était une course régionale, le terrain faisait 500 mètres de longueur environ. Nous étions sept au départ et j'ai terminé cinquième.
PJ : En 1962. C'était sur une 200 Triumph.
Et après on ne vous voit pas dans les classements ?
PJ : Non car j'allais à l'étranger. RC.Delefosse (dit RCD) de Moto Revue m'avait repéré après mes premiers championnats de France. Il m'avait dit qu'il s'arrangerait pour m'avoir des engagements. Donc j'ai suivi son conseil.
Comment vous est venue l'idée de participer aux Grands Prix dans les pays de l'Est ?
PJ : C'est RCD. Il trouvait que j'étais plus agressifs dans le bon sens du terme, que d'autres. Donc que je pouvais ne pas être ridicule en GP. J'ai participé à quinze Grands Prix. J'ai roulé en Finlande, URSS, Pologne, Suède, Allemagne de l'Ouest et de l'Est, Tchécoslovaquie, Hollande, Belgique, Autriche, Suisse.
Je me souviens en 1964, nous avions pris un bateau depuis le Danemark pour Léningrad via Helsinki. 48 heures de croisière sur la Baltique. C'était un cargo dont une grue avait tout chargé par le haut. Après le Grand Prix à Léningrad, je devais me rendre à Kielce en Pologne. On nous avait proposé : soit on vous escorte jusqu'à Moscou en voiture, soit vous traversez les trois pays baltes avec un train de nuit. Nous avions choisi la première option en nous rendant d'abord à Moscou, rejoignant Minsk par la suite. Nous avions pu ainsi visité Moscou. Heureusement car le train de nuit était occulté pour traverser ces pays sensibles !
En Finlande, c'était assez incroyable : nous sommes arrivés sur le circuit qui n'était pas indiqué. Il n'y avait rien, alors qu'il devait y avoir un entraînement l'après-midi même ! Après la course, les organisateurs avaient tout "plié" ! La remise des coupes avait lieu ailleurs, mais on ne savait pas trop où. Finalement, nous avons trouvé l'endroit, dans un petit village. Il y avait une gigantesque fête, Joël Robert était titré ! Nous étions ensemble car il y avait un interprète pour les francophones. Le lendemain, nous étions dans un parc de la ville. Il avait pris le cyclo d'un gamin, en lui disant : "pousse-toi de là , que je te montre comment on fait de la moto !!".
Quel pays avez-vous préféré en tant que touriste et en tant que pilote ?
PJ : Tous, car ils avaient pratiquement tous de la chaleur humaine. Allez en n°1 la Pologne et en n° 2, l'URSS. Durant ces voyages, je n'étais pas payé, mais nous avons été reçus dans les plus beaux hôtels et restaurants !
Quels circuits étrangers avez-vous préféré ?
PJ : Léningrad.
PJ : Ce serait prétentieux, car je n'ai jamais été au top. Clérici était intouchable en 250cc. Sinon, je citerais Sauton et Juigné.
Aviez-vous un métier ?
PJ : J'étais instituteur et prof d'anglais. Donc en juillet et en août, j'avais du temps pour partir faire les GP ! Je me souviens une fois, depuis un cross à Morlaix, j'avais appelé mon directeur pour lui dire que j'étais blessé et que j'avais un arrêt de 15 jours ! En fait j'avais un engagement en Allemagne et en Tchécoslovaquie. J'avais roulé en voiture du vendredi midi jusqu'au samedi 19 h pour m'y rendre !
Avez-vous vécu de votre passion ?
PJ : Non, mais ça m'a apporté un bon complément. En tant qu'instituteur je gagnais 600 FRF (soit 91€) et le motocross représentait 500 FRF (76€). Mais comme j'avais mangé du motocross avec les gros bras en Grand Prix, je m'en sortais un peu lors des cross inter ou extra-nationaux. Par exemple, à Vannes, j'avais terminé premier Français et deuxième au général, derrière Specht et devant Betzelbacher et Walz. Puis j'ai été commercial chez Phildar, j'ai vendu de l'assurance-vie, du vin.
Quelles étaient vos forces en course ?
PJ : Ce qui exprime le mieux mes forces, c'est le commentaire de certains organisateurs après les courses : " tu peux demander ton engagement pour l'année prochaine, car tu as beaucoup donné". J'ai participé à ma dernière course à Javron à 74 ans. J'avais gagné en plus de 65 ans !
PJ : D'une manière générale, les circuits sont différents. J'aimais bien Vannes, large, roulant, pas dangereux. Romagné avec ses montées et des descentes et St Jean d'Angely, le circuit de l'époque.
Avez-vous été sélectionné en équipe de France ?
PJ : Oui j'ai participé au Trophée des Nations avec P.Godey, les frères Portal et J.Pilati. Complètement dépaysés par ce circuit de sable mou, souvent enlisés jusqu'au moteur, nous n'avions pas brillé, nous baladant entre la trentième et la quarante-cinquième place sur 55 ! Il y avait onze équipes de cinq pilotes. Le meilleur étant le grand Paul Godey, le plus expérimenté de nous tous et avec trois abandons en finale, nous n'avions pas été classés...mais quelle expérience !
Quelle est votre plus belle course ?
PJ : C'est d'avoir remporté une course sur le terrain sur lequel on a passé tous ses dimanches à la débroussailler, le rénover ! C'était en 250cc et à St Jean en 1963. Rasmussen avait gagné en inter. C'était sur le circuit du Puy de Poursay.
Palmarès :
- 1962 : Championnat de France National 250cc : 10ème
- 1968 : Championnat de France National 500cc : 10ème
- 1964 : membre de l'équipe de France au Trophée des Nations
- Pierre Jolliet a participé à 15 Grands Prix
[Photos : archives P.Jolliet]